L’avenir de la viticulture en Lavaux
Dans leur grande majorité toutefois, les vignerons sont ravis du pinot qu’ils ont rentré en cave cette année
Les vendanges furent magnifiques et la récolte généreuse a dépassé les espérances des vignerons, cependant l’été caniculaire que nous venons de vivre n’a pas été sans répercussion sur le secteur de la vitiviniculture. Sur certains parchets, l’épisode de sécheresse extrême a entrainé un blocage de maturation du raisin, réduisant la quantité disponible. Dans d’autres zones, le risque de flétrissement du pinot noir a représenté une certaine menace pour la qualité du vin. Parallèlement, avec les températures élevées, le niveau de sucre dans les raisins récoltés s’est envolé. Dans le vignoble de Lavaux, autrefois caractérisé par une certaine fraicheur, se pose la question de l’adaptation.

Haro sur le pinot ?
Texte & photos Manon Hervé | Cépage incontournable de la Suisse et principal raisin rouge du vignoble de Lavaux, le pinot noir est une variété complexe. Il nécessite un climat continental frais et est très sensible aux maladies de la vigne. Les deux derniers millésimes en date peuvent donner matière à la réflexion quant à sa pertinence au sein du vignoble de Lavaux. Si le millésime 2021 a été marqué par le mildiou et l’oidium, maladies souvent fatales pour le pinot, le millésime 2022, lui, s’est vu impacté par l’extrême opposé. Le chaleurs importantes et précoces vécues dans le vignoble cette année posent certains problèmes pour ce cépage fragile.
Qui dit fortes chaleurs, dit accumulation des sucres dans les baies. Et qui dit accumulation des sucres, dit niveau d’alcool élevé. Les pinots noirs de ce millésime 2022 sont face au challenge de l’acidité et le travail en cave va être déterminant pour obtenir le profil élégant et la finesse qui caractérisent ce cépage.
Dans leur grande majorité toutefois, les vignerons sont ravis du pinot qu’ils ont rentré en cave cette année et rares sont ceux qui se plaignent de degrés Oeschlé trop élevés.
Pour autant, à l’heure de l’arrachage de vieux ceps de pinot, certains producteurs réfléchissent à le remplacer par d’autres variétés.
Planter des cépages méridionaux ?
Bien qu’elles soient de plus en plus fréquentes, les périodes caniculaires ne sont pour l’instant pas la norme. Toutefois, si elles venaient à se répéter trop régulièrement, leur impact en termes d’assèchement des sols et de contraintes hydriques sur la vigne pourrait se révéler bien plus important que ce qui a pu être aperçu cette année.
De là à planter du mourvèdre… « Nous n’en sommes pas là. Il serait un peu radical de penser cela », commente Blaise Duboux, président de la CVVL (Communauté de la vigne et des vins de Lavaux).
Remplacer le pinot, ce cépage traditionnel qui a fait ses preuves au sein du terroir de Lavaux depuis des siècles, par des cépages typiques du sud ? Avant d’en arriver à de telles extrémités, la communauté vigneronne envisage de multiples options, ce qui est un plutôt bon signe de capacité d’adaptation. Certains vignerons envisagent, par exemple, la possibilité de déplacer la culture des pinots plus en altitude dans le vignoble afin de conserver au maximum l’acidité. Les parchets dédiés à ce cépage tendraient donc à se retrouver sur les terrasses les plus hautes de Lavaux. L’espace disponible est cependant loin d’être illimité, le vignoble de Lavaux étant strictement délimité. Une autre option serait de jouer sur la densité du feuillage afin de protéger les grappes du soleil, ou bien de soulever la question de l’irrigation auprès des institutions responsables afin d’augmenter la disponibilité d’eau dans les sols. Réjouissons-nous donc, le pinot noir n’a pas encore dit son dernier mot.
D’ailleurs, les rouges sont peut-être plus susceptibles de résister au changement climatique que les blancs.
Si le chasselas est relativement durable du fait du bas niveau d’alcool qui le caractérise, le chardonnay, lui, pose un véritable problème : il peut titrer à 14,5° d’alcool lors de millésimes particulièrement chauds.
Une tendance au merlot
Dans le canton de Vaud, ces dernières années, nous assistons à une forte tendance à planter du merlot, cépage rouge très largement répandu et traditionnellement utilisé dans le vignoble bordelais. Cette variété originaire du sud-ouest a le vent en poupe dans le vignoble de Lavaux. Blaise Duboux, lui-même producteur de quelques vignes de merlot, met en garde une nouvelle fois : ce cépage nécessite tout de même un certain temps pour atteindre sa maturité phénolique optimale.
La prudence est donc de mise car si les cépages du sud, très friands en chaleur, ne sont pas satisfaits dans leurs besoins, le risque est grand de produire de bons vins seulement une année sur deux.
À l’heure de la prise de conscience de l’environnement et de la nécessaire adaptation de la viticulture, une véritable carte à jouer se révèle aujourd’hui sous la forme de nouveaux cépages issus de la recherche : les cépages dits « résistants » occupent une place grandissante dans le secteur viticole local et international. L’avantage primordial de ce type de variétés réside en leur grande capacité de résistance aux maladies cryptogamiques de la vigne, ce qui permet une large réduction des traitements phytosanitaires dans le vignoble.
Ils seront le sujet de notre prochain article.

