La petite histoire des mots
Armageddon
Selon le président américain Joe Biden, Vladimir Poutine ne plaisante pas quand lorsqu’il évoque l’usage potentiel d’armes nucléaires tactiques pour écraser l’Ukraine. La semaine dernière, le chef de la Maison Blanche a exprimé ses craintes quant à un risque d’ « apocalypse nucléaire », le premier depuis la crise des missiles de Cuba, en 1962. Dans sa déclaration, en anglais, il n’a cependant pas utilisé l’expression « nuclear apocalypse », lui préférant « nuclear Armageddon ». Le mot « Armageddon », qui est un quasi-synonyme d’ « apocalypse », est un nom propre qui existe aussi en français. Il peut indistinctement s’écrire comme en anglais, ou dans sa version francisée « Armaguédon ».
« Armageddon » nous vient de l’hébreux « Har M’giddo » qui signifie « colline de Megiddo ». Il s’agit d’un petit mont de Galilée dans le nord d’Israël. Selon la bible, en 609 av J.C., le roi Josias souverain du royaume de Juda, considéré par ses sujets comme un nouveau David, y fut défait et tué par une armée égyptienne commandée par le pharaon Néchao II. Alors que Dieu était censé protéger les Hébreux, cette défaite fut ressentie par les vaincus comme une désastre traumatisant.
Le nom « Armageddon » fut progressivement employé pour qualifier une destruction catastrophique, puis pour évoquer symboliquement le combat final entre les forces du Bien et celles du Mal, par exemple lors de la parousie, autrement dit la seconde venue du Christ sur Terre. C’est le cas, selon certaines interprétations, de quelques passages du livre de l’Apocalypse, dernier texte du Nouveau Testament, dont la tradition chrétienne attribue la paternité à saint Jean l’Evangéliste, lors de sa retraite en ermite sur l’île grecque de Patmos, devenue de nos jours un lieu de pèlerinage.
Etymologiquement, le mot « apocalypse » est la transcription du terme du grec « apokálupsis » qui veut dire « dévoilement » ou, dans son acception religieuse, « révélation ». Il y a d’ailleurs plusieurs « apocalypses » dans la Bible. Mais celle de saint Jean, qui est la plus célèbre, semble présenter des visions célestes de la fin des temps. C’est pour cela que les termes « apocalypse » et « Armageddon » ont peu à peu acquis le sens de fin des temps, voire de catastrophe biblique.
Selon certains exégètes des textes sacrés, plusieurs signes annonceront la fin du monde : des tremblements de terre, des maladies, des famines, et de grandes tempêtes. « Jésus a dit à ses disciples qu’il y aurait des guerres sur toute la Terre : Vous entendrez parler de guerres et de bruits de guerre. Une nation s’élèvera contre une nation, et un royaume contre un royaume » (Matthieu 24 : 6-7). Certains croyants voient dans l’actualité ces signes précurseurs. D’autres constatent que les textes laissent de la place aux interprétations et n’y voient que des propos symboliques.
Pourtant l’apocalypse aura bel et bien lieu, un jour : dans 5 milliards d’années, le Soleil, à bout d’hydrogène, gonflera et engloutira notre planète qui finira par se vaporiser. Une échéance certaine, mais si lointaine qu’elle n’empêche personne de dormir …