Clément Gaillard, jeune caviste d’Epesses qui fourmille d’idées
L’année 2024 est pour le moment un bon millésime pour Clément. A tout juste 18 ans, il a réussi son CFC de caviste et a sorti 3 vins pour les 60 ans du domaine familial, Gaillard et Fils à Epesses
De l’idée à la conception de cette cuvée spéciale, Clément nous partage un bout de son histoire, qu’il n’a pas fini d’écrire.
Clément, pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
Alors, je m’appelle Clément Gaillard, je viens de finir mon apprentissage de caviste chez Obrist à Vevey. A côté, je travaille avec mes parents pour la partie communication et marketing du domaine. Je suis moins présent à la cave ou dans les vignes car ils ont une bonne équipe, je suis plus présent pour la création de projets ou la recherche de prospects. Par exemple, c’est moi qui ai proposé de faire la cuvée avec Timea Bacsinszky.
Comment as-tu eu l’idée de la cuvée pour les 60 ans du domaine familial ?
Obrist laisse l’opportunité aux apprentis de faire un vin. Généralement, on peut faire ça en 2e année. Assez rapidement, j’ai commencé à réfléchir à un projet de vin et à la même période je triais les archives à la maison, car je voulais aussi faire un livre avec nos anciennes étiquettes. J’ai trouvé la première étiquette de blanc au Musée de l’étiquette à Aigle et je me suis dit qu’avec les 60 ans du domaine, deux ans plus tard, il y avait un truc à jouer. En fait, j’avais déjà l’idée des étiquettes originales pour le blanc et le rouge et j’ai collaboré avec une collègue qui est graphiste à côté de son emploi, pour redessiner les étiquettes. Il lui a fallu plus de 70 heures pour tout dessiner, c’était un travail colossal.
Donc comme j’avais déjà les étiquettes, j’ai décidé de faire le Dorin d’Epesses (ancien nom du Chasselas), en vinifiant comme mon grand-père à l’époque. Pour le rouge, normalement je ne pouvais faire qu’un vin chez Obrist, Je suis allé vers mon chef en lui disant : « Bon, j’ai aussi l’étiquette pour le rouge », je lui ai laissé le choix (répond-il avec un grand sourire). Il a rigolé et m’a dit : « OK on y va ». Je trouvais aussi que c’était intéressant de vinifier un rouge, sans dénigrer le Chasselas, avec le rouge on peut quand même faire plus de choses.
Pour le troisième vin, ça s’est fait assez naturellement. J’avais plus de kilos que prévu initialement et j’ai fait un Malbec en mono-cépage, ce qu’on n’avait encore jamais fait sur le domaine.
Tu parles d’Obrist et du domaine de tes parents, comment est-ce que tu t’es organisé pour faire tes vins ?
En fait, c’est la récolte de Gaillard et j’ai fait la vinification chez Obrist. Ils m’ont fait confiance et ont été d’accord pour que je fasse ces trois vins. J’ai été assez indépendant pour faire ces trois vins et avec mon responsable on a fait des dégustations toutes les semaines. J’ai aussi demandé l’avis d’un autre caviste et de mon papa. Au final, j’avais trois avis toutes les deux semaines.
Ensuite, j’ai fait la mise en bouteilles et tout le stock est maintenant chez Gaillard, sauf pour le Malbec pur qui est encore en barrique.
Comment est-ce que tu les as vinifiés ?
Pour le Dorin, j’ai décidé de faire une vinification à l’ancienne, avec le vieux pressoir, comme à l’époque de mon grand-père. Ensuite, c’est un long élevage en foudre (vase en bois) et 12 mois sur lies. Il fallait donc que je brasse les lies chaque semaine. Pour la Corsaline, l’assemblage de rouge, j’ai une petite quantité, environ une centaine de bouteilles et j’ai décidé de vinifier en fût de chêne.
Pour le Malbec pur, j’avais aussi une petite quantité et le vin sortira seulement à son apogée, vers novembre-décembre avec les ventes en janvier. Je le déguste aussi chaque semaine pour voir l’évolution et pour l’instant je suis très content. Le Malbec a toujours été dans un assemblage, il n’y a jamais eu de vinification individuelle et il s’exprime magnifiquement bien.
Comment tes parents et ton entourage ont-ils réagi à ce projet ?
Pour le Dorin, ils étaient contents et avaient confiance en moi. Après c’est vrai qu’il y a beaucoup de projets entre la Cuvée avec Timea, le Coup d’blanc et la Cuvée anniversaire maintenant. J’ai toujours beaucoup d’idées et la nuit je passe une à deux heures à écrire quand j’ai des idées et je fais le tri au réveil. Au final, ils sont supers fiers car il y a du concret avec un produit fini.
Avec les copains, on ne parle pas trop de travail et de manière générale je n’ai pas reçu de commentaires négatifs donc comme on dit « Pas de nouvelles, bonnes nouvelles » !
Quels enseignements as-tu retiré de cette expérience ?
Que 3000 bouteilles ça ne se vend pas aussi facilement que ça ! Par rapport à la vinification, j’ai trouvé intéressant de faire des vinifications différentes, avec le vieux pressoir pour le blanc. Ensuite, j’apprends aussi comment vendre car 200 bouteilles c’est assez facile à écouler mais 3000 c’est pas forcément évident. Il faut se déplacer vers les restaurateurs, les sommeliers. Aussi pour toute la partie sur le prix d’une bouteille : le prix de revient, la commande de bouchons. J’ai aussi appris pas mal de choses sur la création, notamment de collaborer avec une graphiste et faire un crash test pour le domaine avec la vidéo que j’ai faite. Finalement j’ai appris que les gens aiment bien les étiquettes dessinées.
Quels sont tes futurs projets ?
Je pars au Tessin à la Tenuta Castello di Morcote le 16 août pour faire les vendanges côté cave chez eux. Je rentre à la mi-novembre et ensuite je pars en Afrique du Sud, aussi pour les vendanges à la cave jusqu’en avril. Je me suis donné deux ans pour voyager et « faire mes armes » dans d’autres caves. Je sais que c’est le regret de pas mal de vignerons, dont mon papa et mon parrain, de ne pas être partis. Pendant mes voyages, je reste toujours impliqué sur les projets familiaux et il faudra aussi que je vende mes deux vins disponibles avant de partir.