Lutry – Un vigneron ose l’alliance vin-houblon
Ce n’est plus un secret pour personne, la consommation de vins en Suisse subit une baisse majeure, comme l’indiquent les chiffres de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) « avec une diminution de près de 8% par rapport à l’année précédente ».

Cependant, les professionnels de la branche ne se laissent pas abattre et déploient de nouveaux moyens pour faire connaître leurs produits. C’est le cas de Stéphane Blondel vigneron-encaveur à Lutry qui lance « API white », un Chasselas aromatisé au houblon.
L’idée derrière ce nouveau produit est de proposer un Chasselas un peu différent avec de l’amertume, des arômes et qui plaira aux jeunes. En effet, nous remarquons que les jeunes boivent de moins en moins de vins, voire plus du tout.
Or, ils sont un public intéressant pour la branche. « Personne à la réponse sur pourquoi ils ne boivent pas de vin. Mais il faut peut-être se dire que le côté classique du vin et le goût du Chasselas ne plaît pas à tout le monde », explique Stéphane Blondel. « J’ai aussi eu la remarque d’un jeune au Salon Divinum qui trouvait que le Chasselas était un vin de grand-papa. Alors forcément ça ne fait pas plaisir, mais on ne peut pas se passer de tous ces gens qui ont cet avis-là et on doit travailler un produit qui répond aussi à leurs attentes. »
Tous ces constats, ainsi que la baisse de fréquentation des jeunes (20-40 ans) au domaine, ont poussé Stéphane Blondel à développer son nouveau Chasselas.

API White
Pour Stéphane, il est primordial d’atteindre les jeunes et les gens de la ville, qui n’aiment pas forcément le vin ou le Chasselas et le préfèrent aux cocktails comme le Spritz, qui fleurissent en terrasse en même temps que le printemps. La base est donc partie de là : « Ce n’est pas pour moi ou pour les gens de la région que je l’ai fait, c’est pour aller taper à la porte des gens qui n’aiment pas, qui trouvent que ça n’a pas de goût. Le Chasselas c’est quelque chose qui est ancré dans notre culture mais ça ne convient pas à tout le monde ».
API white n’est donc pas une bière avec du Chasselas ou du moût de raisin mais un Chasselas qui est aromatisé au houblon. Sur le même principe que la bière, le vigneron-encaveur a aromatisé son Chasselas, à froid, avec un houblon sélectionné avec soin. Pour cela, il s’est entouré d’amis brasseurs de la Brasserie La Moustache, qui l’ont aidé à sélectionner le houblon et à affiner les arômes. Il leur a fallu environ 9 mois et plusieurs essais, pour passer de l’idée au produit final.
Pour Stéphane Blondel, il est important de « s’ouvrir un peu, à l’image des brasseurs qui font des choses assez dingues et créent sans arrêt », mais estime que le processus est très différent, comme il le précise : « on a moins de facilité à créer et essayer plein de choses car la matière première coûte chère et le travail à la vigne prend du temps. Il y a aussi le côté émotionnel du travail à la vigne qui nous tient à cœur. On ne peut pas faire des essais à tire-larigot et jeter le produit à la fin ».
Oser se lancer
A la question de savoir si créer et innover ne dénature pas le vin traditionnel, Stéphane Blondel estime « A un moment donné, il faut qu’on trouve des solutions pour vendre du vin et quand même aller de l’avant. On peut aller plus loin dans les caves, on peut créer des choses différentes ».
Créer de nouveaux vins, qui sortent de l’ordinaire, ne veut pas dire mettre de côté les vins traditionnels, bien au contraire. « Je n’arrêterai jamais de faire des vins traditionnels, c’est ce que j’aime et c’est ce que beaucoup de gens aiment. On remarque qu’il faut souvent un vin un peu spécial pour que les gens s’arrêtent et au final ils repartent avec le classique », souligne le vigneron de Lutry.
Dans le vignoble suisse et plus particulièrement en Lavaux, les professionnels de la branche explorent de nouvelles voies pour se faire connaître et vendre leur vin autrement : oenotourisme, afterwork au domaine, cuvées spéciales ou vins désalcoolisés. « Chacun doit faire ses essais, même s’il y a le risque que ça ne marche pas. Il faut arrêter d’avoir peur, on crée quelque chose et si ça ne marche pas, au moins on aura tenté. Il y a plus d’habitants, le vin est meilleur, mais il s’en boit toujours moins. Il faut trouver des solutions
et créer des choses », conclut Stéphane Blondel.
Info pratique : API white est disponible en vente directe au domaine