Viticulture
Nouvelles têtes à Villette
Sur le balcon du Léman, la relève s’amorce tranquillement. L’envie et l’énergie de la nouvelle génération de vignerons ne manquent pas.
Moins connue, l’appellation Villette sort son épingle du jeu avec une relève solidaire et dynamique.
Texte et photos Manon Hervé | Au domaine Vitis Musicalis, Stéphane Chollet se prépare pour la reprise, à la suite d’Alain Chollet. Petite particularité, Stéphane n’est pas le fils d’Alain mais son beau-fils. En 2014, Stéphane se marie à Valentine, la fille d’Alain, et choisit de porter le nom de son épouse. Un joli geste qui portait déjà les prémices d’une transition au domaine.
Originaire d’Epalinges, Stéphane est paysagiste indépendant. Après son mariage, il s’installe chez sa belle-famille et commence à donner des coups de main. En tant que paysagiste, habitué au contact avec la nature, il accroche vite avec le travail au domaine. Le cadre exceptionnel du vignoble lui donne des envies de reconversion. En 2020, après son CFC de vigneron, il privilégie un apprentissage « sur le terrain » en s’investissant aux côtés d’Alain au domaine. La reprise officielle ne se fera pas avant 2025 mais la transition se prépare déjà.
En 2020, la famille Chollet réfléchit à un nouveau nom pour la cave afin de créer une entité transgénérationnelle. Entre passion pour le vin et pour la musique, Vitis Musicalis naît : les vins élevés en musique. De la vigne jusqu’à la bouteille, Alain joue du saxophone à ses vins.
« Les vins de Lavaux méritent d’être plus connus »Stéphane Chollet
Sur leurs trois hectares de vignes à Villette, Stéphane rêve d’une entité Lavaux forte. Pour cela, Vitis Musicalis mise sur l’œnotourisme « essentiel pour l’image du vignoble » affirme le jeune vigneron. Le paysagiste en lui a pu s’exprimer avec la création des terrasses du domaine. Par chance, Alain est un véritable pionnier dans ce secteur : fondues dans les tonneaux, dôme panoramique, apéro pétanque… l’homme est un visionnaire qui n’hésite pas à prendre des risques et à réinvestir.
Les projets d’avenir ne manquent pas. Parmi eux, creuser la piste de l’export, « les vins suisses ont leur place à l’international » assure Stéphane, bien que ce soit compliqué.
Il souhaite également poursuivre avec les cépages résistants dont il est ultra convaincu, à l’instar d’Alain. Une chance que ce dernier ait planté du Divico dès son homologation. Dernièrement, ils ont planté du Johanniter, une nouvelle spécialité blanche résistante. Séduit par la vision d’Alain et dans le même état d’esprit que lui, Stéphane assure une reprise familiale enthousiaste. Son plus gros défi ? Apprendre à jouer du saxo !
A Aran, Sébastien Dance s’est lui aussi reconverti professionnellement pour prendre la succession de la cave. Ce menuisier passionné par le bois a décidé en 2019 de revenir au monde du vin dans lequel il a grandi. Pour Cécile et Pascal Dance, cette décision a provoqué un soulagement accompagné d’un joli moment d’émotion : relève familiale il y aura.
« Il est stratégique pour Villette de se diversifier »Sébastien Dance
Jeune papa depuis dix-huit mois, Sébastien est rentré aux études juste après la naissance de son fils. Il termine actuellement sa première année à l’ES Changins. Motivé, le jeune homme n’a pas peur de mener de front ses projets professionnels et familiaux. Chez les Dance, le vin est une histoire de famille, comme le signale le nom de plusieurs cuvées dédiées aux enfants et aux petits-enfants.
La reprise se profile d’ici quatre ans, date de départ à la retraite de Pascal.
Avec « Le vin qui dance », Pascal et Cécile ont créé un concept original décliné de plusieurs façons à la cave. Sébastien compte bien continuer sur cette lancée et installer définitivement la marque Dance, déjà bien implantée, dans le paysage de Lavaux. Dans ce but, il travaille déjà, au sein d’un projet marketing d’études à Changins, pour une uniformisation de la gamme d’étiquettes.
Côté cave, le jeune vigneron rêve d’un joli chai à barrique qu’il pourrait faire visiter dans le cadre de l’expérience œnotouristique, déjà mise en place par sa mère. La barrique lui permettrait également de créer des vins rouges haut-de-gamme et d’étoffer ainsi l’offre de vins disponibles. « Je souhaiterais élargir la gamme en prix et en variété », explique Sébastien. Si son père est un peu sceptique quant à la barrique qu’il n’utilise pas, il ne manque pas de créativité à la cave : il a déjà produit un vin doux, un Chasselas bulles et même un jus de raisin pétillant ! Le fils prévoit de conserver la tradition intacte avec le Chasselas mais de se faire plaisir sur les rouges en produisant des vins de garde. A l’avenir, le jeune homme voudrait également agrandir la surface de production et les volumes afin d’encaver plus.
Sa bonne relation avec son père assure une transition en douceur. « Il faudra cependant marquer le coup », affirme Sébastien. Essentiel, en effet, de se faire connaître et de ne pas rester
pendant des années « le fils de ».
Père et fils ont planté cette année leurs premiers pieds de Divico dont la première cuvée verra le jour dans quatre ans : ce sera le symbole de la reprise.
Chez la famille Porta, Clément, 21 ans, termine lui aussi sa première année de spécialisation à Changins, dans la même promotion que Sébastien. Cadet d’une fratrie de trois, lui n’avait pas trop de doute quant à son avenir dans le vin. Son grand frère ingénieur-mécanicien et sa sœur aînée naturopathe lui ont laissé le champ libre : il sera la succession officielle du domaine.
« Les défis sont ce qui me tient en haleine » Clément Porta
Afin de peaufiner sa formation, le jeune homme souhaiterait partir un temps à l’étranger afin de voir ce qui se passe en dehors de la Suisse. La maîtrise de l’allemand est aussi sur la liste des compétences qu’il souhaite acquérir pour accueillir au mieux sa clientèle.
Pour l’instant, le changement générationnel s’instaure en douceur au domaine de Jean-Daniel Porta. Le père a mis en place de nombreuses choses ces dernières années : comme une utilisation raisonnée d’intrants à la vigne, une méthode plus douce et plus respectueuse de l’environnement. Le fils, de son côté, apprend
à l’école de nouvelles techniques de culture, telle l’utilisation de l’engrais vert qu’il a développé dans les vignes familiales.
Jean-Daniel a toujours eu une certaine sensibilité à la vigne qu’il a transmise à son fils, lequel veut aller plus loin encore.
Clément est conscient des challenges à venir, notamment pour l’appellation Villette, mais c’est justement ce qui le motive. Il est entouré d’une bonne équipe : le caveau des vignerons de Villette est particulièrement énergique. « Le caveau offre une bonne base pour se faire connaître, et les jeunes participent bien » se félicite le jeune homme. Clairement optimiste, Clément confirme l’engouement de cette nouvelle génération qui se serre les coudes et n’hésite pas à joindre ses forces pour dynamiser l’appellation.