Théâtre du Jorat, Mézières
Quand la musique est bonne
Rendant hommage aux titres mythiques des années 1980, Léa Polhammer présente sur la scène du Théâtre du Jorat Playlist, une façon de revisiter quelques classiques indémodés puisqu’indémodables. A découvrir le 21 juin, dès 20h, pour la Fête de la musique.
« On a plus beaucoup de musique en soi pour faire danser la vie » disait Louis-Ferdinand Céline dans le Voyage au bout de la nuit pour décrire la neurasthénie qui atteint son personnage de Bardamu lors de son passage à New York. Est-ce donc pour contrer une forme de morosité ambiante déclenchée par une actualité toujours plus dramatique que fleurissent actuellement les spectacles musicaux aux quatre coins du canton ? Qu’elles explorent le registre des comédies musicales comme c’est le cas avec les productions du café-théâtre Barnabé, qu’elles revisitent Tchekhov comme Il n’y a que les chansons de variété qui disent la vérité d’Alexandre Doublet présenté le mois dernier au Théâtre de Vidy ou qu’elles fassent appel aux souvenirs des fans de « Salut les copains » dans Sur un air de yéyé de la Compagnie des Citrons Sonnés, création de Nuithonie à Villars-sur-Glâne, toutes ces propositions spectatorielles semblent vouloir participer à revigorer les cœurs face à tout ce qui pourrait raviver les peurs.
C’est donc dans ce même esprit que débarquera au Théâtre du Jorat le 21 juin dès 20h la comédienne et DJ Léa Polhammer, accompagnée sur scène de ses acolytes Tiphanie Bovay-Klameth, Catherine Büchi, David Gobet et Pierre Misfud pour nous présenter une Playlist créée en fin d’année passée au Théâtre du Loup à Genève. Une heure et demie durant, les cinq comédiens et comédiennes y revisiteront à leur sauce toute une série de tubes pops des années 1980 dans un décor et des costumes propres à cette période aussi baroque qu’explosive. Des séquences successives que celle qui refuse l’appellation de metteuse en scène a voulue comme des « clips théâtraux » en en adoptant tant l’esthétique que l’esprit.
Ce 21 juin, jour de Fête de la musique siéra parfaitement à sa pièce. Car, et c’est probablement ce qui transpirera en écoutant ces ritournelles connues de toutes et tous, cette expression de « Fête de la musique » relève quasiment du pléonasme. Qu’y a-t-il de plus puissant en effet qu’une mélodie partagée par deux individus ou plus pour fédérer ceux-ci et leur faire passer un moment de joie intense ?
« Avec Playlist, j’aimerais parvenir à déplacer ce fantasme de la salle de bains à la scène, et par ce geste, déplacer le miroir et faire le pari que le public pourra également s’y reconnaître » dit Léa Polhammer de Playlist. C’est là toute la clef d’un spectacle qui parvient à se connecter avec son public : partir du connu pour l’emmener vers une forme d’imaginaire, de fantasmagorie ou tout du moins d’évasion. Trop nombreuses sont encore les productions qui se disent que c’est à leur audience de s’adapter et de rejoindre les artistes là où ils sont. Playlist décide au contraire de prendre le public par la main et de l’emmener valser hors des soucis du monde.
Souvent encore, le mot « divertissement » est utilisé pour décrédibiliser une production artistique, comme pour signifier qu’elle n’aurait vocation qu’à amuser, mission on ne peut plus mineure au regard des standards artistiques contemporains. Pourtant, ce terme ne saurait coller plus justement au projet scénique de Léa Polhammer. Et on aurait bien tort de mépriser une telle démarche. Car le divertissement est bien plus complexe que son acception actuelle laisse entendre. Trouver le moyen de toucher une audience au plus profond de ce qui la passionne, de l’emmener vers un ailleurs qui l’extrait aux troubles de la vie quotidienne, voilà un mantra que tout artiste devrait avoir en tête au moment de présenter son œuvre.
Alors, si l’on mettait de côté l’espace d’une soirée les problèmes du monde, les soucis du quotidien pour se rassembler sous le signe de cette musique dont la chanteuse Nicoletta disait qu’elle serait « la clef de l’amour, de l’amitié » ? Une soirée que la diplômée de l’Ecole de Théâtre Serge Martin accompagnera de bout-en-bout puisqu’elle sera également aux commandes du DJ-set qui suivra le spectacle et se poursuivra jusqu’au bout d’une nuit qui n’aura rien à voir avec celle de Céline.