Exposition – La main au centre du Musée Jenisch
L’une des trois expositions est consacrée au graveur Pierre Aubert
Riche programme de visites à Vevey ! L’exposition principale, occupant tout le rez-de-chaussée, s’intitule La main (et) le gant. A travers quelque 150 œuvres anciennes, modernes et contemporaines, on comprend l’importance qu’a toujours revêtue cette partie du corps, non seulement pour les anatomistes, mais surtout pour les artistes. Autant que les expressions du visage, la main exprime en effet toutes les émotions : geste d’amitié, d’amour, de colère, d’insulte (le « doigt d’honneur »), de prière, de bénédiction, d’effroi ou de dégoût (la main cachant la bouche), voire une dimension politique, tel le poing levé des communistes ou le bras tendu des fascistes… Et j’en passe ! Sans parler même de la peinture pariétale paléolithique, qui montre souvent des mains dans les grottes.
La main exprime aussi une activité : celle du potier, de l’ouvrier, de l’écrivain, etc. Par la difficulté même de sa représentation, elle a donc toujours été au centre comme objet d’études dans les Académies. Tous ces aspects sont richement représentés dans l’exposition. On remarquera particulièrement une étude de main de l’école vénitienne du 17e siècle, une illustration de dissection du 18e siècle et de magnifiques travaux préparatoires de Ferdinand Hodler.
Le gant, qui occupe la deuxième salle, est un complément de la main, d’où le (et) entre parenthèses de son titre. Il peut être un élément protecteur, par exemple pour le boxeur ou le skieur. Il revêt aussi une fonction sociale : les élégantes tenant négligemment un gant de pécari dans l’une de leurs mains découverte attestaient ainsi qu’elles appartenaient aux classes aisées et n’avaient pas des mains d’ouvrières…
Cette riche exposition est enrichie par celle consacrée à Oskar Kokoschka (1896-1980), dont on sait que le Musée Jenisch est dépositaire d’une immense collection. Chez cet artiste qui faisait partie du mouvement expressionniste, la main est souvent surdimensionnée, toujours expressive, et rarement au repos, car Kokoschka aimait saisir les mains en mouvement. Ainsi dans la bouleversante Pietà de 1909 conçue pour une affiche. On relèvera enfin une curieuse similitude entre la couronne d’épines du Christ crucifié aux mains sanglantes, et les chardons du graveur Pierre Aubert, que l’on va découvrir ensuite, dans le Cabinet cantonal des estampes…
Pierre Aubert (1910-1987) fut certainement l’un des meilleurs graveurs suisses contemporains, par sa main d’une exceptionnelle habileté dans l’usage du couteau et de la gouge. On l’a qualifié de « Maître des bois » (c’est d’ailleurs le titre de cette troisième exposition), à la fois par son talent de xylographe, et par le choix de ses sujets, dont la plupart exaltent les paysages austères de sa Vallée de Joux natale. Quelle maîtrise dans les jeux d’ombre et de lumière, par exemple dans Printemps, contre-jour à Juriens ! Il excelle dans la représentation de l’enchevêtrement des sapins dans le Risoux. Ses nombreux séjours à Paris l’ont conduit à représenter les quais de la capitale française. On lui doit également une série de gravures sur bois ayant pour sujets des artistes, dont un beau portrait de Schubert. Quant à Skieurs, quai de gare (1937), cette scène vivante amusera par le vêtement et l’équipement de ces sportifs, qui traduisent bien leur époque. On admirera aussi ses vues de Romainmôtier, où il s’était établi en 1962. Mais incontestablement, le meilleur de son œuvre réside dans ses représentations d’arbres, souvent nus, dépouillés de leurs feuilles par l’hiver ou la sécheresse, qui atteignent parfois une dimension expressionniste et presque fantastique, comme dans Nœud de lierres. C’est probablement cette troisième exposition, à côté de celle, thématique, instructive sans pédanterie, consacrée à la main, et à celle dévolue à Kokoschka, qui séduira le plus le public vaudois.
« La main (et) le gant », jusqu’au 18 août
« Kokoschka à portée de main » et
« Pierre Aubert, Maître des bois », jusqu’au 25 août
Musée Jenisch , Vevey