Saint-Saphorin – La vue du succès pour le festival Jolie Vue
Surplombant le Léman, le jardin de la Cure s’est transformé en balcon musical le temps d’un week-end. Pour sa 5e édition, le festival Jolie Vue s’affirme dans son approche intimiste, une philosophie qui séduit artistes et public.
Mario Batkowic a signé la musique de Red Dead Redemption 2, un jeu vidéo qui dépasse les 50 millions d’unités vendues depuis son lancement en octobre 2018
C’est la violoncelliste et multiinstrumentiste suisse romande Sara Oswald qui ouvre les festivités juste avant 19 heures. Jonglant entre son instrument de prédilection, son piano et ses pédales d’effets, l’artiste a réalisé une performance tout en légèreté. Musique contemporaine avec des touches psychédéliques, la compositrice fribourgeoise a présenté son tout premier album « Bivouac ».
Le néerlandais Jozef Van Wissem, a étonné la centaine de spectateurs avec des sons inhabituels. Accompagné de son luth, il a imposé une sorte de contemplation et une écoute attentive du public. Un voyage dans un monde différent.
Aussi en intérieur
Avant la tombée de la nuit, les festivaliers et les artistes sont invités à changer de scène. La Suisse Marie Kruttli se retrouve ainsi seule au piano dans l’église de Saint-Saphorin. Construit il y a environ 1500 ans, le bâtiment offre un cadre et une acoustique permettant à l’artiste d’immerger les festivaliers dans une musique mystique, feutrée et contemporaine.
Le Bernois Mario Batkowic entre en scène. Lui qui a reçu le prix The Swiss Music Prize 2023 de la part de la Confédération, dévoile un autre visage de l’accordéon. Avec ses morceaux soutenus rythmiquement, il mélange baroque et modernité avec des accents Balkans. Une touche traditionnelle en mémoire à ses racines, puisque Mario Batkowic est d’origine bosniaque.
Interview Sara Oswald
Amoureuse de l’emprise de la montagne sur l’humain, Sara Oswald partage la puissance des grands espaces dans son premier album solo « Bivouac ». La compositrice offre aux festivaliers de Saint-Saphorin un climat méditatif, où les précipitations sonores déploient tous leurs effets. Interview.
Le Courrier : Comment s’est passée cette première au festival Jolie Vue ?
Sara Oswald : Avec cette scène qui surplombe le lac, l’endroit est juste incroyable. Après, cela fait moins d’une année que je joue cet album et le fait d’être seule avec plusieurs instruments représente un défi technique. Jouer avant 19 heures constitue également un défi, car il y avait peu de temps entre le « Sound check » et le concert, sans oublier qu’il faisait super chaud (Rire).
Le Courrier : La configuration du festival Jolie Vue propose un environnement accessible entre les musiciens et les artistes. La frontière entre ces deux mondes en est presque invisible, est-ce que vous recherchez ce type de lien ?
Sara Oswald : Ma musique est assez planante et onirique. Ce type de scène permet d’être plus réceptif au style dans lequel j’évolue et invite en quelque sorte à un voyage intérieur. Donc oui, j’apprécie être proche des spectateurs. Dans l’absolu, je trouverais bien d’être au milieu du public pour briser ces codes, surtout depuis la pandémie.
Le Courrier : Justement, pendant la période Covid, vous n’avez pas lâché vos instruments et votre public, expliquez-nous ?
Sara Oswald : Dès le début des restrictions sanitaires, j’ai proposé des concerts en visioconférence. Une formule qui a permis de gommer cette frontière entre public et musicien. Plus tard, avec l’allégement des restrictions, la culture n’a pas tout de suite retrouvé sa pleine activité. Je suis donc allée jouer chez les gens. A ce moment-là, il n’y a plus aucune séparation, les mélomanes m’invitaient après à dîner ou à boire un verre. Des conditions qui ont permis de créer des liens plus horizontaux et d’expliquer ce qu’est le métier de musicien. Car les gens fantasment parfois sur notre secteur d’activité.
Le Courrier : Est-ce que l’expérience Covid a renforcé l’émotion entre vous et votre public ?
Sara Oswald : Difficile à dire, car mon approche se calque sur l’émotion que peut transmettre la musique. Après, j’ai une anecdote assez incroyable durant cette période. Des connaissances m’avaient commandé un concert en visioconférence pour faire une surprise à un de leur ami. Ce dernier devait subir une greffe de la moelle le lendemain. On s’est croisé il y a deux semaines, et j’étais tellement touchée d’apprendre que sa leucémie était guérie. C’était un grand moment pour nous deux.
Le Courrier : On connait Sara Oswald et son amour pour la montagne. Est-ce que le village historique de Saint-Saphorin est, lui aussi, source d’inspiration ?
Sara Oswald : Je pense que des lieux naturels ou comme celui du Jardin de la Cure sont propices à la création. Ces endroits sont plus porteurs émotionnellement qu’une zone industrielle par exemple. Mon approche du son et le travail de l’instrument vibrent de manière différente dans ce genre de site.
Le Courrier : Jouer dans un cadre comme celui de Saint-Saphorin influence-t-il votre jeu ?
Sara Oswald : (Rire) Malgré l’acoustique qui est moins bonne à l’extérieur, j’aime beaucoup jouer dehors. Pour reprendre l’exemple de la montagne, je pense que l’homme doit se connecter à la nature et renouer avec ses racines. Après, il y a tout l’aspect technique de la musique qui rentre en ligne de compte. Typiquement, nous ne pouvons pas comparer le Cully Jazz et le festival de Saint-Saphorin, car l’acoustique du Temple de Cully n’est pas la même et ces événements ne se déroulent pas à la même période de l’année.
Sara Oswald en quelques mots
Née à Fribourg en 1978, c’est à l’âge de treize ans qu’elle débute le violoncelle. Sara Oswald a collaboré avec Sophie Hunger, Pascal Oberson ou encore les Young Gods. La Fribourgeoise qui réside aujourd’hui dans les alpes vaudoises est membre fondateur du quatuor à cordes Barbouze de chez Fior, avec lequel elle gagne le Prix culturel musique 2015 du canton de Vaud.