Parcolitre
Pierre Dominique Scheider | Le 8 août dernier, en la Saint-Dominique, je vais chez Bob, mon ami médecin, à Lutry. Je tournicote pendant une demi-heure dans le quartier sans trouver de place de parc. Je monte alors au parking de la gare, où je me bagarre sans succès avec un de ces infernaux « horro-dateurs ». Je repars tout énervé. Un jour je porterai plainte contre tous ces robots, parcomètres, automates et autres distributeurs, car profondément anti-humains. Il faut presque sortir de l’EPFL pour comprendre la logique implacable de ces machines. Mais heureusement il y a encore des êtres ouverts à une autre forme d’échanges : à côté du cabinet du bon docteur, j’aperçois, chance, l’enseigne d’un commerce de vin, « Terres de Lavaux ». Quelques places pour clients sont libres devant l’établissement. J’interpelle le vendeur : « Dites, Monsieur, puis-je laisser ma voiture une demi-heure, le temps d’une consultation ? Je vous achète une bouteille en revenant, en guise de parcolitre ! » « Mais bien sûr ! Et revenez avec une ordonnance ! » Et, effectivement, le Dr Bob me conseille, comme saint Paul à Timothée : « Contre ton mal d’estomac, un bon coup de rouge à chaque repas ». Dommage que ce ne soit pas remboursé par la caisse maladie ! Tout ragaillardi par cette précieuse prescription, je file chercher mon remède chez le sympathique vendeur. Il s’appelle Olivier. Il revient d’un séjour en Italie, dans les Pouilles. Il me dit : « Là-bas, pas tant de chichis, d’étiquettes ou de pompeux protocoles de dégustation. Là-bas, le vin, on le boit ! » Sage parole. En effet, ne pourrait-on pas revenir à un peu plus de simplicité, retrouver la saine authenticité de ce peuple de bergers qui attirait en Suisse les premiers touristes anglais, au XIXe siècle ? Que nos caves soient vraiment accueillantes, sans ces parodies de guillons plantés dans des tonneaux de comédie ! Alors le verre de l’amitié tintera au loin, de Lavaux jusqu’en Chine, comme les cloches du dimanche ameutant tout un joli monde en soif de franche vérité. In vino veritas ! Quant à moi, je repars une bouteille sous le bras, pas plus chère qu’une « bûche », et un ami de plus !