On se jette à l’eau pour la pêche en rivière
Les rivières régionales offrent tranquillité et aventure à deux pas de la maison
Thomas Cramatte | Depuis le 7 mars, la pêche en rivière est officiellement ouverte. Pour le plus grand plaisir de milliers de passionnés, les rivières régionales offrent tranquillité et aventure à deux pas de la maison. La pratique sportive et technique de la pêche à la mouche fait toujours plus d’adeptes, spécialement chez les jeunes qui pratiquent la remise à l’eau.
Respect du vivant
«J’aime être en nature et écouter la rivière, la contempler et essayer de déceler ses secrets », témoigne Didier Fischer*. Si ce passionné de la pêche à la mouche a décidé de rester anonyme, c’est parce qu’il pratique une pêche prohibée en Suisse : la remise à l’eau ou « No Kill ». Pourtant, ce féru du moulinet est parfaitement en règle. Permis de pêche annuel en poche, matériel non polluant, déplacements à vélo, le jeune homme possède une approche respectueuse du monde alvin et une conscience écologique marquée. « Le but est de capturer le poisson et de le relâcher dans les meilleures conditions possibles pour qu’il puisse poursuivre sa vie. J’aime trop le poisson pour lui faire du mal ou endommager le milieu piscicole ». Pendant des milliers d’années, la pêche n’avait comme seul but d’être une source de nourriture pour les hommes. Mais le phénomène « No Kill » amène une dimension plus responsable. Pourtant, la loi fédérale sur la protection des animaux interdit cette pratique depuis 2009. « Nous ne devons pas inutilement manipuler le poisson. La législation oblige de remettre le poisson à l’eau uniquement si sa taille n’est pas suffisante », précise Cédric Henry, garde-pêche actif au sein du district Lavaux-Oron. Pour l’autorité de contrôle de la pêche, il faut à tout prix éviter le phénomène photo de trophée.
Assouplissement de la loi
Dans certains pays cette pratique n’est pas interdite. « En France, la remise à l’eau est mise en avant », explique le garde-pêche. Pour l’heure, aucune modification de la loi n’est à prévoir. L’application de l’ordonnance fédérale a toutefois quelque peu évolué depuis que les cantons se sont exprimés. Un pêcheur peut ainsi relâcher sa proie s’il estime qu’une raison écologique le justifie. « Les pêcheurs No Kill ont une très bonne éthique et font généralement des remises à l’eau dans de bonnes conditions ». En 2019, on estimait à quelque 150’000 le nombre de personnes aimant taquiner le goujon. « Depuis la première vague Covid, nous observons une tendance en augmentation pour la pêche. Les gens cherchent de nouvelles occupations, un peu comme un retour au concret », explique Yann Chenaux, propriétaire d’un magasin de matériel de pêche à Servion. Dans son espace de vente, il observe également un changement des désirs de ses clients : « Nous avons des demandes toujours plus axées sur le respect du poisson et de son environnement. » Le matériel a lui aussi évolué dans ce sens. Entre la forêt de canne à pêche et les leurres accrochés aux étals, les fabricants d’hameçons ont par exemple adapté leurs produits pour éviter une mort du poisson tout en permettant sa remise à l’eau. Nombreux pêcheurs voient la pratique du « No Kill » comme une manière de pérenniser leur pratique, tandis que d’autres considèrent cette façon de pêcher comme de la maltraitance. « Le plus gros problème, c’est le dilemme entre ceux qui veulent tout garder et ceux qui veulent tout relâcher ».
Rôles des pêcheurs
Les permis de pêche ont été simplifiés. Auparavant, on retrouvait presque une licence pour tous les petits lacs. Aujourd’hui, deux catégories sont délivrées dans le canton, le permis rivières et étangs et le permis grand lac pour le Léman. « En raison des accords intercantonaux et franco-suisses, il n’est pas possible d’avoir qu’un seul permis sur le territoire vaudois ». Des licences de pêche qui peuvent s’acheter directement via le site internet de l’Etat de Vaud. Pour une journée ou pour une semaine, ces autorisations sont délivrées librement « Les directives sont à télécharger et à lire. Cela fait partie de la responsabilité de chacun », poursuit Cédric Henry. S’il est ainsi possible d’obtenir facilement ces deux licences, il en va autrement pour le permis annuel. Une formation (SaNa) obligatoire avec examen permet aux titulaires de disposer des connaissances suffisantes pour pratiquer la pêche avec respect de la protection des animaux. « Les permis ne sont pas simplement une taxe, ils nous permettent d’avoir des statistiques de pêche et de connaître la population de poissons dans chaque cours d’eau. Car toutes les prises doivent impérativement être signalées dans un carnet ». Des données qui permettent au service de l’environnement d’examiner l’état des points d’eau.
Biodiversité
Les carnets de pêche sont donc un outil indispensable pour suivre de manière scientifique les populations de poissons. « Nous pouvons constater où il y a un problème. Imaginons que l’on observe 400 captures annuelles dans une rivière, mais que l’année suivante, on en recense que quelques dizaines au même endroit », visualise le garde-pêche. Pour Cédric Henry et ses collègues de la Direction générale de l’environnement, cela permet d’établir s’il y a une source de pollution ou une nuisance pour le monde piscicole. En fonction des analyses, les cours d’eau seront repeuplés d’alevins venant de piscicultures des alentours. Le réchauffement climatique modifie le milieu aquatique. Si c’est le cas pour l’ensemble de la biodiversité, il est bon de rappeler les conséquences de l’augmentation des températures pour les rivières vaudoises. Abaissement du niveau d’eau et crues soudaines fragilisent la faune piscicole : « Le débit des rivières change plus vite qu’auparavant. Cela engendre des périodes de sécheresse et de crues soudaines ». Autres aspects péjorant la vie aquatique, les micropolluants présents dans l’eau via les médicaments consommés et l’urbanisation toujours plus importante. Cependant, la Suisse possède plusieurs mesures pour éviter le réchauffement de l’eau et son nettoyage. « Un programme est en cours pour pouvoir traiter l’eau des micropolluants et des reboisements permettent de maintenir la température de l’eau », informe Cédric Henry. Dans certaines conditions, le garde-pêche ne verbalise pas les pratiquants du « No Kill », autorités de contrôle et pêcheurs trouvent généralement un terrain d’entente. Car aux yeux de la grande famille qu’est la pêche, le respect de la faune piscicole est le maître mot pour faire perdurer la vie en rivière et leur passion .
* nom d’emprunt
Tarifs permis de pêche rivières et lacs
Annuel avec formation SaNa : 150.–
Hebdomadaire : 60.–
Journalier : 20.–