Maracon – Une deuxième vie pour les tables et les chaises de l’école
A la suite de la fermeture définitive des classes de Maracon en juillet 2022, due au regroupement des élèves dans les collèges d’Oron, les tables et les chaises furent stockées, faute d’utilisation.
Constatant qu’un ancien fonds de réserve d’un millier de francs pour des actions en faveur de la Roumanie stagnait dans les comptes communaux, la Municipalité, sous l’impulsion de Marc Visinand, municipal des écoles et des bâtiments, a décidé d’utiliser cet argent pour acheminer ce matériel à l’école du village roumain de Motoseni.
2 jours de trajet, 2200 km pour les 13 tables et les 20 chaises de Maracon
La Municipalité de Maracon, par des contacts avec des ONG suisse et roumaine a reçu un message positif du directeur de l’école roumaine de Motoseni, village perdu au nord-est du pays. Grâce aux échanges constructifs, la livraison de ce matériel fut effectuée le mercredi 10 avril, après deux jours de trajet à travers l’Autriche, l’Allemagne, la Hongrie et une bonne partie de la Roumanie. « Pour ceux qui ont participé à des transports humanitaires lors de l’« Opération Villages Roumains », la situation routière n’est plus aussi chaotique. Le niveau de vie a évolué positivement avec plus ou moins de réussite. La région de Motoseni n’est pas la plus chanceuse et nous espérons, par cette modeste action, avoir pu contribuer à l’amélioration des conditions de scolarisation de ces enfants, par le don de matériel scolaire encore efficient » relate Marc Visinand qui a fait le trajet avec Paul Viola de Human Action International Charity dans un pick-up avec une remorque. Hormis quelques frayeurs sur la route par la façon de conduire des Roumains et un petit souci de pneu sur le retour, tout s’est bien passé. Le directeur de l’école était content, l’accueil chaleureux, les protagonistes ont pu visiter quelques lieux particuliers de la région avant de revenir à Maracon.
Origine du fonds pour la Roumanie
L’ « Opération Villages Roumains » initiée en 1988 en Belgique, puis étendue à d’autres pays d’Europe occidentale, a été à l’origine d’un important mouvement de protestation contre la politique dite de « systématisation des villages roumains », inspirée par le dirigeant de l’époque, Nicolae Ceauşescu. Cela consistait à détruire les petites maisons en bois typiques pour les remplacer par des blocs pour y installer les ouvriers. Maracon prit part à cette opération et fut mis en relation avec le petit village de Brodina situé à la frontière ukrainienne. A la suite de la chute du régime en décembre 1989, une équipe composée de Jean-Daniel Pasche, syndic et son épouse Lucienne, du municipal Eddy Christen et de son épouse Erika, ainsi que de Claude et Simone Mayor, décida de se rendre sur place pour évaluer la situation. « En février 1990, après un vol jusqu’à Bucarest, nous sommes montés dans un coucou peu rassurant avec des sièges qui partaient en arrière et des boulons qui se dévissaient sur les ailes pour arriver à Suceava et de là continuer avec un chauffeur, qu’il fallut convaincre à l’aide de bakchichs, de nous amener jusqu’au petit village isolé de Brodina, par des routes à peine carrossables. Simona, une jeune interprète, nous accompagnait. Si la situation campagnarde se rapprochait de Maracon, le mode de vie était celui de 1930. Seul le Maire possédait une vieille Dacia.
Le chauffage était au bois, les WC à l’extérieur, les habitants vivaient partiellement en autarcie, les hommes travaillaient en forêt pour le gouvernement, ils pratiquaient la chasse. Les femmes peignaient magnifiquement les œufs. Il n’y avait pas de papier pour l’école où nous avons été accueillis par la directrice. Un seul téléphone mural qui était en contact avec une opératrice de l’autre côté de la colline reliait le village au monde » se souvient Simone Mayor. Après avoir passé une semaine sur place à définir les besoins, la délégation de Maracon, à son retour mit sur pied un second voyage avec un fret composé de matériel scolaire, en avril de la même année, accompagnée d’un ami médecin, venu constater l’état de santé des villageois. « Nous avions loué un bus, mais à cause de la corruption, les passages à la douane étaient compliqués. A nouveau, Simona nous permettait de communiquer. Si ce n’est des faux apportées par Jean-Daniel Pasche, nous n’avons pas continué à acheminer du matériel mais nous avons tissé des liens d’amitié. Des jeunes filles sont venues pour travailler dans des familles à Maracon et d’ailleurs. Plusieurs y ont trouvé leur époux. Un jeune homme a fait son école d’agriculture en travaillant sur la ferme du syndic. En octobre 1993, 40 élèves de Maracon et Peney-le-Jorat entourés de 10 accompagnants ont passé une semaine à Brodina, logeant chez l’habitant, un sacré contraste. La directrice de l’école est venue ici avec son mari, qui par une filière de connaissances a pu rencontrer le Roi Michel 1er de Roumanie, exilé en Suisse, et ainsi exaucer son rêve. Un plan pour une grande salle a été élaboré, nous devions apporter les clous et la visserie qui leur manquaient et eux faire la partie en bois, qu’ils avaient en suffisance. Mais des années de communisme avaient laissé des traces et le bâtiment est resté à l’état de projet » raconte Simone Mayor qui se remémore de nombreuses anecdotes liées à ces voyages et qui garde toujours des liens avec ces lointains amis.