Lavaux – C’est le temps des vendanges
Peu à peu, les villages de Lavaux encavent le fruit d’une année de travail. Dans le vignoble en terrasses, les équipes s’activent dans le vignoble pour récolter le raisin. Cette année, la pluie et la situation vitivinicole, avec la baisse de la consommation jouent quelque peu les troubles fêtes. Toutefois, les jeunes vignerons et cavistes du cru gardent le moral et savourent ce moment, si cher à leurs yeux.


La récolte 2025 restera dans les mémoires, tant ces vendanges sont surprenantes. Après un été caniculaire, qui a permis aux baies de bien grandir et d’être un tant soit peu épargnées par les maladies, on aurait pensé que la récolte aller se déroulerait sans accro. C’était sans compter sur la météo, qui a chamboulé le programme des caves et surtout avancé le début des vendanges. C’est le cas au Domaine Bovy, à Chexbres, où les vendanges étaient initialement prévues au début de l’automne. « On a commencé le 16 septembre avec les Pinots et on pensait attendre pour le Chasselas. Finalement avec les prévisions météorologiques on a décidé d’enchaîner », explique Lucien Bovy.
Au-delà du fait d’avancer le début des vendanges, les fortes pluies menacent aussi la qualité du raisin. Comme il y a moins de soleil, il y aura moins de sucre et on aura tendance à vouloir le laisser mûrir encore un peu, mais les trop grandes quantités d’eau risquent de le faire pourrir. Il faut donc jouer les équilibristes et tenter de vendanger au meilleur moment.
Tout le monde sur le pont
Lorsque les domaines sont en vendanges, c’est très souvent toute la famille qui est perquisitionnée pour apporter son aide. C’est le cas à Cully, chez Les Frères Dubois. En temps normal Clémentine, Quentin, Séverine et Carla (les mamans de Clémentine et Quentin sont au bureau, mais en temps de vendanges, tout le monde descend et s’activent à la cave. « Pendant les vendanges, il y a tout le monde qui est à la cave, que ce soit Quentin, Clémentine ou sa maman, ils descendent tous de leur bureau et ils viennent tous nous aider. Après on est aussi tous multitasks et en mode vendanges », explique Emma Dubois
L’organisation de l’entreprise est également un peu chamboulée à Chexbres. Si d’ordinaire Jeanne, Alexandra et Annabelle sont plutôt à l’accueil et au marketing et Lucien, Tristan et Bertrand à la production, les rôles changent pendant cette période. En effet, Jeanne s’occupe du pressoir avec Bertrand, Lucien et Tristan se partage principalement le travail entre la cave et les vignes.
Dans les deux cas, même les enfants qui ne sont pas impliqués le reste de l’année sur le domaine, sont présents pour les soutenir.

Un moment hors du temps
Pendant les vendanges, la vie quotidienne se met entre parenthèses et la vie sociale s’adapte au rythme de la cave.
« Si des amis veulent venir me voir, je leur propose de venir boire l’apéro ici », sourit Jeanne Bovy. « Après c’est deux semaines par année, donc le reste du temps on a le temps de voir les copains. C’est aussi chouette pour eux de voir comment ça se passe par chez nous pendant une période un peu particulière », ajoute-t-elle.
Pour son frère Lucien, « c’est la consécration d’une année de travail et c’est vraiment mon moment préféré ». Tristan renchérit : « C’est l’une des périodes les plus importantes de l’année. Dans la région on a pas mal de copains vignerons qui ont aussi les vendanges en même temps que nous. Quand on a la fanfare qui vient jouer ici, on a des copains qui viennent et je vais volontiers les voir aussi et déguster avec eux. Après c’est un peu plus compliqué de voir ses amis mais cela dure deux semaines, 10 jours. Et en fait, c’est le salaire de l’année qui rentre maintenant à la cave. Donc il faut faire du mieux possible. Après on a beaucoup de choses dans la tête et du stress, donc avoir une bonne ambiance, c’est hyper positif et important ».
Chez les Dubois, Emma participe depuis son plus jeune âge : « Quand mes copains me demandaient pour aller au cinéma, ou d’autres activités, j’étais étonnée car pour moi c’était les vendanges. Depuis que je suis petite, pour moi, s’est acté que pendant les vendanges, il n’y a pas de vie sociale avec d’autres gens. En revanche on profite avec tous les gens qui sont là ».
Sa cousine Clémentine a un autre vécu : « Quand j’étais petite je n’aimais pas car c’était une période qui était difficile pour moi, je voyais moins mes parents, on ne dormait pas à la maison pendant les vendanges. Mais depuis qu’on a grandi et qu’on a eu l’âge de rentrer à la maison, c’est une période que j’aime bien dans l’année, même j’attends cette période. C’est un mois où je ne vois pas forcément mes potes, je vais moins sortir, mais je vois d’autres gens et je fais d’autres choses. »
Des jeunes passionnés et tournés vers l’avenir
Les défis du vignoble sont nombreux, mais loin de décourager la relève, ils renforcent au contraire sa détermination.
Pour Lucien Bovy, « j’ai toujours rêvé de faire ce métier, cela m’a toujours passionné donc je ne l’abandonnerai pas. S’il faut encore plus développer l’œnotourisme et encore plus développer la terrasse et la vente aux privés, c’est ce que l’on fera ».
Un sentiment partagé par son cousin Tristan : « C’est ma passion, j’adore mon métier. Je sais que la situation est assez incertaine et compliquée ces temps, mais on a la chance ici de pouvoir accueillir du monde. On sait que la situation est compliquée et on va trouver des solutions pour s’en sortir. Essayer d’être optimiste sur l’avenir ».
Emma Dubois, elle aussi, reste convaincue : « J’ai toujours eu envie de faire ce métier, après si ma foi je dois changer de métier, parce que ça ne marche pas, je changerai de métier, mais je n’en ai pas l’envie. Si je peux continuer à faire ce beau métier, je continuerai toute ma vie. Après ça fait peur, on ne va pas se le cacher, de voir ces chiffres baisser de plus en plus et on se pose des questions. On se demande comment on peut faire pour que les gens consomment local, car plus c’est compliqué ».
La reprise des domaines familiaux est déjà dans les esprits. « C’est complètement l’idée qu’on reprenne les trois, mais pas tout de suite, on est bien content que nos parents soient encore là. On va les garder encore un moment, ils font quand même du bon travail », sourit Emma Dubois.
En attendant, les jeunes cherchent à innover. Pour Clémentine Dubois, « l’objectif est de trouver de nouvelles idées et de rajeunir certaines choses pour que cela fonctionne ». Sa cousine Emma ajoute : « On réfléchit aussi avec Clémentine et Quentin à faire des vins un peu plus sympas pour les jeunes, plus attractifs. Parce que le Chasselas c’est super mais les jeunes sont habitués à des choses plus fruitées et sucrées. Trouver la recette gagnante à chaque fois c’est compliqué, mais on a plein d’idées ».
Reste à espérer que la météo leur laisse un peu de répit pour terminer ces vendanges et que le public continue de privilégier le local.