La petite histoire des mots
Kremlin
Faute d’une véritable opposition, le maître du Kremlin a été une nouvelle fois plébiscité à l’issue du simulacre d’élections démocratiques organisées la semaine dernière en Russie, marqué par des incidents et des dizaines d’arrestations. Le mot « Kremlin », avec un « K » majuscule, désigne l’ensemble architectural qui fut la résidence des tsars, à Moscou et qui, de nos jours, est le siège du gouvernement de la Fédération de Russie, ainsi que la résidence officielle de Vladimir Poutine. Par métonymie, on l’utilise aussi pour désigner le pouvoir qui s’y exerce. On peut ainsi parler d’une « décision du Kremlin », par exemple.
C’est sans doute au milieu du XVIIIe siècle que ce nom propre fit son apparition dans la langue française. Il est issu du vieux terme russe « kremlinu » dérivé de « Kreml » qui signifie « citadelle » ou « forteresse ». Les linguistes russes lui prêtent une origine tatare, les Tatars étant un peuple turco-mongol vivant au sud de la Russie. A l’origine, ce terme désignait les citadelles de toutes les villes russe. Aujourd’hui, dans notre langue, il se réfère exclusivement à celle qui domine la place Rouge, à Moscou.
Le premier Kremlin de Moscou fut érigé en 1156, sous le règne de Youri Dolgorouki, un grand prince de la Rus’ de Kiev, une principauté slave qui exista du milieu du IXe au milieu du XIIIe siècle. Il avait une structure en bois et surplombait déjà la rivière Moskova. Le Kremlin fonctionnait alors comme une petite ville et devint le centre politique et économique de Moscou. En 1382, il fut détruit par la Horde d’or mongole, avant d’être reconstruit par des architectes italiens, puis agrandit et embellit sous les règnes d’Yvan le Terrible, de Pierre le Grand et de Catherine II. Le palais du Grand Kremlin est devenu la résidence officielle de Vladimir Poutine en 2023.
Les termes « kremlinologie » et « kremlinologue » firent leur apparition dans les années 1960, dans la presse française, pour désigner l’étude de la politique soviétique, puis russe, ainsi que les doctes analystes, spécialisés dans ce domaine.
La commune du Kremlin-Bicêtre, et la station de métro qui lui est associée, situées dans le Grand Paris, doivent quant à elles leur nom au fait qu’après la retraite de Russie de l’armée de Napoléon, en 1812, de nombreux vétérans mal en point furent accueillis à l’hospice de Bicêtre. Non loin de là, un cabaretier eut l’astucieuse idée d’ouvrir un bistrot appelé « Le Sergent du Kremlin ». Le quartier pris alors, dans la bouche de ses habitants, le nom de « Kremlin ». Il se développa progressivement autour de l’hôpital, à partir de 1830, avant d’accéder au rang de commune en 189.