La FM joue les prolongations
Le National avait décidé de stopper les ondes radio analogiques à la fin 2024. Mais suite aux demandes des parlementaires et du conseiller fédéral Albert Rösti face au tout numérique, la branche obtient deux ans supplémentaires pour migrer de la FM au DAB+.
Le temps où l’émetteur national de Sottens tournait à plein régime semble bien loin (en service jusqu’en 2010). Aujourd’hui, les ondes FM sont sur la voie de garage et laissent leur place à la radio numérique terrestre. Ses avantages sont multiples. D’une part pour les consommateurs, avec une stabilité sonore, fini les grésillements en voiture ou la mémorisation manuelle des diverses stations. D’autre part, pour les radiodiffuseurs : « Aujourd’hui, le DAB+ permet de multiplier par cinq le nombre de programmes à un endroit donné. La FM en propose 10 à 12 tandis que le DAB+ peut en atteindre entre 50 et 70 », relève un portail FAQ de la SSR.
Outre l’aspect technique, la page web nous apprend que la radio numérique permet de réduire l’impact environnemental et de réaliser des économies : « La fin de la double diffusion des programmes radiophoniques, à la fois via FM et le DAB+, permettra à la SSR de limiter le nombre de ses émetteurs à env. 260, contre 850 jusqu’à présent ». Concrètement, tirer la prise de la FM permettra une diminution d’environ 90 % de l’électricité. Sans oublier les frais d’entretien des mâts, qui seront eux aussi revus à la baisse.
« Je peux vous confirmer que les économies
représentent un montant en millions à deux chiffres »
Sybille Tornay, à propos de l’arrêt de la FM pour la SSR
Toutes ces informations nous ont donné l’envie d’aller plus loin. Après l’aboutissement de l’initiative populaire lancée par l’UDC « 200 francs, ça suffit ! », la SSR semble être dans la ligne de mire de nombreux citoyens. Même si cette proposition de réduire la redevance radio/TV a été refusée par le Conseil fédéral le 8 novembre 2023, le peuple aura le dernier mot. Et ce, même si Berne penche sur une redevance à 300 francs annuel plutôt que des 335 actuellement. Il n’est donc pas surprenant d’apprendre que le service public économise partout où cela est possible. Interrogée à ce sujet, la SSR ne communique pas de chiffres précis sur les économies engendrées grâce à l’abandon de la FM : « Je peux vous confirmer qu’il représente un montant en millions à deux chiffres, fourchette basse », confie Sybille Tornay, porte-parole SRG SSR.
Pour Media One Group, propriétaire de One FM, les économies engendrées seront moins importantes (env. Fr. 500’000.-/an). Si cette prolongation de deux ans est perçue comme un soulagement, la difficulté majeure réside dans la capacité à convaincre les auditeurs des avantages de cette technologie : « Nous offrons régulièrement à nos auditeurs par le biais de concours des récepteurs DAB+ »,
partage Alexandre de Raemy, directeur du groupe.
Si le service public sera avantagé par l’arrêt des Frequency Modulation (FM en anglais), il en ira autrement pour les entreprises de télécommunication. Pour Swisscom, qui exploite l’émetteur du Mont-Pèlerin, la désactivation de la FM engendrera un manque à gagner : « La Confédération nous mandate pour assurer la diffusion de l’information sur toutes les technologies. Si nous utilisons des fréquences en moins, il est clair que nous allons observer une perte » détaille par téléphone Thierry Rossel, chef des opérations de Swisscom Broadcast SA. Concernant l’émetteur local, l’arrêt de la FM n’influencera pas l’aspect visuel de la tour Plein Ciel.
Entre avantages et craintes
L’arrêt échelonné de la bande FM à la fin 2026 représente surtout des atouts pour les consommateurs : « Il s’agit de donner plus de temps aux gens pour se diriger vers le DAB+ » précise Thierry Savary, ancien directeur à Radio Fribourg. « Cette ultime prolongation permet à la branche une plus grande souplesse, mais n’était pas fondamentale ou vitale pour nous. Même s’il n’est pas impossible de perdre temporairement des auditeurs » poursuit son successeur, Markus Baumer.
Pour les deux membres de la direction, les craintes varient selon les régions : « La situation est différente dans l’arc lémanique par exemple, car les chaînes de radios limitrophes diffusant en FM devront interrompre ce type d’ondes à la fin 2026, alors que les chaînes françaises continueront d’utiliser la FM. Il y a donc un risque d’une perte d’audimat » détaille Thierry Savary. Un contexte délicat, puisque
la capacité de vendre des espaces publicitaires est étroitement liée à l’audience d’une radio.
« Il y a donc un risque d’une perte d’audimat »
Thierry Savary, animateur et conseiller du directoire de Radio Fribourg
Ce n’est un secret pour personne, nombreux sont les citoyens suisses à écouter la radio uniquement en déplacement. 66 % des automobilistes (voir encadré) possèdent un récepteur DAB+ dans leur véhicule. Si des adapteurs permettent de convertir son autoradio FM au DAB+ pour moins de 100 francs, le changement ne serait pas fréquent et les automobilistes auraient tendance à bouder les radios diffusées numériquement pour un programme FM. Un comportement qui va devoir changer à l’avenir selon le Touring Club Suisse (TCS), qui souligne l’importance des informations routières du point de vue de la sécurité : « Aujourd’hui, les conducteurs reçoivent chaque année environ 2600 infos trafic via la bande FM de leur autoradio », informe le site de l’association. Autre crainte, celui de voir les listes d’attente s’allonger chez les garagistes : « Les automobilistes risquent d’attendre jusqu’à la dernière minute pour équiper leur véhicule », détaille Laurent Pignot, porte-parole du TCS pour la Suisse romande.
Pas d’augmentation des pubs sur les ondes
Si le DAB+ est le successeur de la FM, les Suisses écoutent davantage la radio par internet via un smartphone ou un ordinateur. On pourrait alors penser qu’il est plus facile de réaliser des mesures d’audience grâce au numérique. Pourtant, la technologie de diffusion n’a pas d’influence sur les sondages : « Le principe de l’audiomatching, ou corrélation audio, se compose d’un échantillon de personnes qui participent régulièrement à la mesure du comportement d’écoute des auditeurs » détaille Mediapulse, entité indépendante chargée de collecter les données des programmes radio et télévisés. « L’appareil utilisé par les participants est une montre-bracelet audimètre ». L’objectif s’apparente plus à connaître les habitudes d’écoute et non, la manière d’écoute. Même si cette dernière est prise en considération, la radio de l’après 2026 ne changera pas la manière de sonder l’audimat.
Etant donné que les études d’écoute ne changeront pas une fois la mort de la FM, cela ne permettra pas aux radiodiffuseurs de mieux cibler leurs consommateurs pour adapter ou augmenter la publicité. D’autant plus que leur nombre et leur temps à l’antenne sont réglementés par la Loi fédérale sur la radio et la télévision.
Alors que les ondes FM ont fait leur apparition en Suisse il y a 100 ans (1922 = premier direct radio), le procédé de modulation de fréquence se mélange aux technologies actuelles. Si la FM garantit l’information à la population en cas de cata-strophe, le DAB+ et les smartphones remplissent également cette mission.
Alors que la FM vit ses dernières heures, elle ne sera pas complètement morte après 2026. Car les stations émettrices seront toujours équipées d’émetteurs FM de secours dans l’hypothèse où la radio numérique et la téléphonie ne remplissent pas leur rôle, sans oublier que chaque poste de radio DAB+ permet de recevoir les ondes qui l’ont précédé.
Le combat FM-DAB+
Voilà plus de dix ans que les radios et l’OFCOM préparent l’arrêt définitif de la FM. En 2014, les associations de radios du pays décident de sortir progressivement du monde analogique afin de basculer avec souplesse vers le tout numérique.
Au printemps 2023, le numérique atteignait 81%, alors que la FM avait chuté à 19%. Les automobilistes étaient 66% à utiliser cette technologie.
Seuls 8% du public écoutent encore la radio exclusivement via la FM.