Hommage à Margrit Locher, la Grande Dame du Château d’Oron
Une petite dame énergique, de presque 94 ans, toujours souriante, toujours de bonne humeur. Cette petite dame, on ne la verra plus passer à travers Oron avec sa petite voiture rouge. On ne la verra plus boire un petit café avec ses copines, à la Coop ou dans les divers tea-room du village.

André et Georges Locher | Elle est décédée le matin du 7 mai 2023, paisiblement dans son sommeil. Margrit Locher est née aux Grisons en 1929 dans le petit village de Tschamutt, au-dessus de Selva à 1700 m d’altitude. Avec sa sœur Anny, elles étaient obligées, pour se rendre à l’école, de se déplacer à pied au village d’à côté de Selva, distant de 2 km.
« C’était plus difficile quand il y avait la neige » raconte-t-elle. « Mon père venait nous chercher et faisait un passage dans la neige avec sa pelle pour que nous puissions remonter à la maison. »
A l’âge de 9 ans, ses parents décident de déménager dans le village de Selva où son père avait construit une maison.
Comme ce village se situait en altitude, ils n’avaient pas de fruits à disposition. L’école se chargeait de remettre chaque jour une pomme à chaque élève. Margrit se souvenait de cette fameuse viande séchée des Grisons que son père faisait sécher, mais qu’elle n’appréciait pas plus que cela. Quand elle pouvait obtenir un cervelas, une ou deux fois par année, c’était la fête. Sa mère avait quelques chèvres et fabriquait le fromage.
Son père travaillait comme contrôleur des voies du chemin de fer rhétique et avait pour tâche de longer les voies ferrées pour vérifier qu’aucune pierre ne gêne le passage du train. Il faisait des kilomètres à pied.
A18 ans, Margrit part travailler pour deux ans dans un sanatorium à Davos. Puis elle rejoint sa sœur à Bâle. Elle commence à travailler en usine. A cette époque pas de possibilité de faire des études, il fallait travailler pour soutenir sa famille restée au village.
C’est à Bâle qu’elle rencontra son futur mari, Théo : un coup de foudre et s’en suit 66 ans de mariage jusqu’au décès de son mari, il y a maintenant six ans et demi.
Ils se sont connus à une soirée bernoise, elle, la Grisonne, et lui le Haut-Valaisan. A cette époque-là, on ne badinait pas avec la morale et il fallait être marié pour obtenir un appartement. Ils se sont donc mariés très rapidement. Puis, ils ont eu deux enfants, André et Georges.
Théo travaillait comme monteur d’entretien « en machine de grosses laveries d’hôtels et de cliniques » pour une entreprise bâloise. Etant constamment en déplacement en Suisse romande, Théo décida de s’en rapprocher. Ainsi en 1958, la famille Locher s’installa à Oron-le-Châtel.
Margrit racontait avec le sourire qu’elle ne comprenait pas un mot de français. Mais elle soulignait qu’elle avait été très bien accueillie, il y avait beaucoup de solidarité à Oron-le-Châtel qui ne comptait alors que huitante habitants.
A côté de son activité de monteur d’entretien, Théo développa un commerce de vente et de réparation de machines à laver. Margrit, avec une des premières machines à laver du village, ouvrit un service de buanderie au service de la population locale.
Puis une connaissance demanda à Margrit si elle voulait travailler au service restauration en plein essor au Château d’Oron. Après quelques années de service en salle, elle prit la responsabilité du poste de chef de rang assurant la bonne marche du personnel au service des banquets. Elle devint aussi l’image d’entrée du Château en recevant les convives en costume vaudois avec à ces côtés deux hommes en costume et jouant trompette. La Grande Dame du Château d’Oron, tout un cérémonial.
Après quelque 40 ans d’activité, arrivée à la retraite bien méritée et bien au-delà de l’âge légal, elle ne resta pas tranquille pour autant. Elle officia comme chauffeur bénévole pendant presque huit ans. Elle aimait ce travail qu’elle a cessé à cause de son âge.
Margrit était aussi grand-mère d’un unique petit-fils Simon, et ses yeux pétillaient quand elle en parlait.
Gardons d’elle le souvenir d’une dame joyeuse et généreuse, aussi à l’aise en romanche, en français qu’en suisse-allemand mais avec un accent caractéristique de ses origines grisonnes.