A la rencontre des gens d’ici :
Vincent (Lutry)

Georges Pop | « Je devais avoir 8 ou 10 ans, à Bruxelles, lorsque j’ai goûté, pour la première fois, un éclair au mocca. Ce fut un choc, une révélation : la crème, le nappage… Une pure merveille ! Ce jour-là, je me suis juré de devenir pâtissier-confiseur ».
Le garçonnet belge de jadis a tenu son serment: aujourd’hui, devenu suisse, Vincent Dozin est à la tête d’un petit empire comprenant six magasins, cinq tea-rooms-restaurants, ainsi qu’une chocolaterie, répartis entre Lutry, où il vit, Pully et Lausanne, sous l’enseigne qui porte son prénom : « Chez Vincent ». Le succès ne lui est pourtant pas monté à la tête. Chaque matin, il se lève bien avant le soleil pour travailler comme l’artisan qu’il n’a jamais cessé d’être.
Arrivé dans les années huitante en Suisse, riche d’une formation dans le domaine qu’il avait choisi et après un passage dans une école hôtelière de son pays d’origine, Vincent et son épouse Romaine, une Valaisanne pure beurre, font, en 1993, l’acquisition d’une boulangerie-pâtisserie à Lutry. Se mettre à son compte est un pari financièrement risqué, mais à force de travail, dans le souci du produit bien fait, entouré de quatre collaborateurs, le couple finit par se faire sa place au soleil.
« Aujourd’hui, par la force des choses, je suis devenu patron. Je pourrais me contenter de gérer mon affaire et de diriger mon équipe depuis un bureau. Mais il se trouve que j’aime ce travail, même si parfois c’est dur. L’année dernière, je n’ai pris que dix jours de vacances », explique-t-il.
Il est vrai que Vincent ne chôme pas. Il raconte : « Chaque matin, six jours sur sept, je me lève vers quatre heures du matin pour rejoindre mon laboratoire et mon équipe. Le réveil est parfois ardu, mais une fois sur place, ce travail reste un réel plaisir, notamment lorsque nous cherchons ensemble de nouvelles saveurs à proposer à notre clientèle. C’est à la fois répétitif, mais ça change aussi tout le temps : en janvier on a sorti la galette des rois et on se prépare maintenant pour la Saint-Valentin ». Quel est le produit phare de la maison ? « Le gâteau MultiFuits ! Les clients n’arrêtent pas de le réclamer, même pendant les fêtes de fin d’année, alors que nous avons tout un assortiment de bûches ».
Un coup d’œil sur le riche catalogue gourmand de l’enseigne est une exhortation au péché de gourmandise : Intense Noirs, Trois Chocolats, Fruits Rouges, Feuillantine, Forêt Noire, Gâteaux « américains » ou « décorés » etc. A quoi s’ajoute un grand choix de pralinés et de truffes « maison ».
A 62 ans, cet artisan-patron comblé affirme avoir trois amours : « Ma femme, mon fils et mon travail ». Il précise : « Mon fils, qui a 28 ans, ne s’intéresse pas du tout à la pâtisserie. Il est hockeyeur; il joue à Sierre. C’est en le suivant sur les patinoires que j’ai appris la géographie de la Suisse (rires) ». Songez-vous à la retraite : « Non, pas pour le moment ! Tant que je prends du plaisir à mon travail, je reste sur le pont ». Un rêve pour le futur ? « Oui ! Prendre la mer à bord d’un voiler pour une traversée de l’Atlantique. J’ai mon permis hauturier (haute mer). On verra… »