Travailleurs étrangers en viticulture, une table ronde pour démêler les règles
Comment engager un vendangeur européen ? Que faire avec un saisonnier logé dans un bus ? Faut-il prouver chaque paiement ? A Grandvaux, la table ronde organisée par Police Lavaux a réuni vignerons, autorités cantonales et locales pour éclaircir les règles d’engagement de la main-d’œuvre étrangère.

Nous savons que le sujet de l’engagement de main-d’œuvre étrangère suscite beaucoup de questions », introduit le commandant de Police Lavaux, Raphaël Cavin. Face à lui, une quarantaine de personnes, dont 23 vignerons inscrits pour cette 5e édition de la table ronde. L’objectif affiché : « Mieux se connaître pour mieux travailler ensemble et maintenir un climat de confiance dans une région où tourisme et viticulture doivent cohabiter. »
Première intervenante, Solène Loisel, responsable du pôle main-d’œuvre étrangère à la DGEM. La collaboratrice de la Direction générale de l’emploi et du marché du travail rappelle que, dès qu’une autorisation est nécessaire, c’est la DGEM qui doit en être informée. Sa présentation déroule les règles selon le statut du travailleur : ressortissant européen, d’un Etat tiers ou personne issue du domaine de l’asile.
Engagement de travailleurs européens
Pour les saisonniers de l’Union européenne ou de l’Association européenne de libre-échange, la procédure reste simple : « La demande de permis n’est pas nécessaire en dessous de 90 jours de travail, mais une annonce obligatoire sur la plateforme fédérale EasyGov est obligatoire. L’annonce doit être faite au plus tard la veille du début d’activité, mais un léger retard n’entraîne pas de sanction automatique », rassure la spécialiste, reconnaissant les aléas climatiques qui rythment les vendanges. « Le respect des 90 jours reste toutefois impératif. »
Les questions dans la salle révèlent le pragmatisme du terrain. Un vigneron de Puidoux évoque le cas d’un travailleur dormant dans son bus. « Est-ce qu’un véhicule aménagé est considéré comme une adresse officielle pour le travailleur ? » Le Service de la population (SPOP) rappelle de son côté qu’une adresse officielle est nécessaire pour l’engagement d’un travailleur au-delà de 90 jours : « Une adresse officielle ne peut pas être un véhicule. Il faut un logement ou un hébergement déclaré. En revanche, un camping ouvert toute l’année est considéré comme une adresse valable ».
Sur la question du paiement, les autorités sont tout aussi précises : « Pour les activités annoncées de courte durée, soit moins de 90 jours, aucune preuve de versement bancaire n’est exigée », détailler Solène Loisel. Les contrôles interviennent ensuite, notamment pour vérifier les conditions salariales.
Admission des ressortissants d’Etats tiers
Pour les ressortissants d’Etats tiers, le contexte est différent : « Nous sommes dans un régime d’admission limité ». Seuls des profils qualifiés peuvent être engagés, et uniquement si l’employeur prouve qu’aucun candidat adéquat n’a été trouvé en Suisse ou en Europe. « Pour une activité typiquement viticole, lors des vendanges, on ne délivre pas de permis parce que les conditions d’admission ne sont pas remplies, on n’est pas sur un emploi qualifié ». Les permis liés au domaine de l’asile sont également évoqués. Les titulaires d’un permis B réfugié ou F peuvent travailler après une simple annonce auprès du SPOP. Depuis octobre 2025, les titulaires d’un permis S sont soumis à la même procédure allégée.
Cohabitation dans les vignes
Police Lavaux rappelle d’autres enjeux quotidiens. Le sergent chargé des affaires viticoles et du tourisme indique avoir consacré environ 140 heures cette année à ce dossier, entre médiation et présence sur le terrain. Les problématiques sont récurrentes : passages dans les vignes privées, pousses abîmées, déchets, crottes de chien, cyclistes circulant sur des chemins viticoles interdits. Il évoque aussi une fête dans une capite ayant nécessité une dénonciation après récidive. « Quand le dialogue ne suffit plus, on doit dénoncer, mais l’objectif reste de trouver des compromis », souligne le sergent-major, David Grandjean.
Du côté de la police du commerce, Maxime Brenac, rappelle qu’une manifestation doit être annoncée dès qu’elle est susceptible d’avoir un impact accru sur le domaine public. Pour les vignerons, la vente de leur propre production ne nécessite pas de licence, mais des dégustations payantes, oui. Les prix doivent être affichés de manière lisible et accessible, et l’office propose même de relire gratuitement les listes tarifaires.
Enfin, le traditionnel macaron viticole n’est pas un passe-droit : il n’autorise ni les arrêts interdits ni le stationnement sur un trottoir sans respecter la distance minimale ou à proximité immédiate d’un passage piéton. Il sert avant tout à contacter rapidement un vigneron afin de déplacer un véhicule gênant.
En remerciant la commune de Bourg-en-Lavaux pour l’accueil et le verre de l’amitié, Raphaël Cavin conclut la soirée. Les échanges se prolongent encore, mais pour les participants, les démarches liées aux travailleurs étrangers paraissent déjà un peu moins obscures en quittant Grandvaux.
Conditions pour engager un travailleur étranger
Pour les Européens : annonce EasyGov, activité limitée à 90 jours, communication des changements de dates.
Pour les Etats tiers : poste qualifié, absence de candidats en Suisse ou en Europe, salaire conforme et permis conformes.
Pour les permis B réfugié, F et S : simple annonce via le formulaire du SPOP, avec contrôles possibles.


