Vin désalcoolisé : alternative contre la baissede consommation ?
Si la consommation de vin est en baisse, le sans-alcool occupe toujours plus de place sur les rayons des magasins. A tel point, que des vignerons développent de nouveaux débouchés pour désalcooliser leurs cuvées.

Les chiffres de 2023 sont unanimes : « La consommation globale de vin a diminué de 1,3 million de litres par rapport à 2022, pour atteindre 235,9 millions », relèvent les statistiques de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG). Dans le détail, on observe une baisse pour les vins rouges, qui n’est pas compensée par une augmentation des autres vins. Selon l’Observatoire suisse du marché des vins (OSMV), les ventes de vins suisses chez les sept grands distributeurs ont diminué de 3,1 % par rapport à 2022.
Changement sociétal
Rythme de vie effréné, télétravail, diminution des repas d’entreprise et des cadeaux d’affaires, recherche d’un mode de vie plus sain, sans oublier l’inflation : de nombreux facteurs expliquent pourquoi les Suisses consomment de moins en moins d’alcool. Si la consommation de vin diminue partout dans le monde, la tendance des vins « No/Low » (sans alcool ou faiblement alcoolisés) se renforce à l’échelle mondiale. En France, pays du Bordeaux et du Bourgogne, 44 % des jeunes de 18 à 25 ans consommaient uniquement des vins No/Low en 2022 (Sowine/Dynata). Toujours dans l’Hexagone, certains professionnels sont catégoriques : « La tendance se déploie sur les tables des restaurants étoilés. Ceux qui ne s’adapteront pas disparaîtront », prévenait Rodolphe Lameyse, directeur général du salon Wine Paris, dans le quotidien Les Echos.
« Il est essentiel
de différencier
vins désalcoolisés
de boisson sans alcool »
Maxime Dizerens, concepteur de vins « No/Low » à Lutry
En Suisse romande également, la demande de vins No/Low grandit. Si un centre de désalcoolisation pour vins, bières et spiritueux va voir le jour prochainement à Perroy, une cave installée en Lavaux proposera dès décembre une gamme de vins (un blanc, un rosé, un rouge et deux mousseux) désalcoolisés. Pour son gérant, ce type de produits doit offrir une alternative aux produits existants : « Il est essentiel de différencier vins désalcoolisés de boisson sans alcool », expose Maxime Dizerens. « Les vins que l’on trouvent actuellement dans le commerce s’apparentent à des boissons aromatisées contenant des arômes, des édulcorants et des conservateurs. Un vin désalcoolisé est, lui, issu d’une vinification traditionnelle, dont l’alcool a été retiré », sensibilise le gérant de Dizerens vins à Lutry. Seul bémol, un vin a besoin d’un certain taux d’alcool pour assurer sa stabilité microbienne, c’est-à-dire pour éviter que le liquide ne se détériore après la mise en bouteille. Afin d’éviter que le vin ne s’oxide ou qu’une modification de sa composition chimique n’intervienne, Maxime Dizerens s’est inspiré du monde de la bière.
Chauffer pour conserver
Comme le lait ou la bière sans alcool, le vin désalcoolisé est pasteurisé. Un procédé couplé à un mécanisme de cryocompression et de dépressurisation qui doit se faire une fois le vin mis en bouteille, de quoi complexifier les choses : « Nous avons fait éclater plusieurs dizaines de bouchons avant de trouver une solution », se remémore Maxime Dizerens avant d’ajouter que pour tâcher de conserver l’âme des cépages d’origines, il a collaboré avec une société valaisanne qui a développé une technologie de désalcoolisation novatrice, alliant tradition et innovation.
Pour respecter les exigences commerciales, les vins désalcoolisés issus de l’exploitation viticole de Lutry sont contrôlés par un laboratoire indépendant. A noter que ces vins désalcoolisés ne possèdent pas d’étiquettes calorifiques, étant donné qu’ils sont reconnus comme vins et non comme boissons aromatisées. « Comme pour la bière, il est pour l’heure impossible d’obtenir un vin désalcoolisé ne présentant aucune trace d’alcool. Seules les boissons aromatisées affichent réellement un taux de zéro pour cent d’alcool puisque ces produits ne partent pas des mêmes bases ». Toutefois, la législation peine à suivre cette évolution, et les consommateurs doivent faire attention aux étiquettes trompeuses : « Un vin sans alcool n’est pas forcément un vin désalcoolisé. »
Avec l’émergence de vins désalcoolisés en Suisse romande, les vignerons s’adaptent à des habitudes de consommation en pleine évolution. En proposant des produits sans alcool ou très faiblement alcoolisé, mais issus de méthodes de vinification traditionnelles, ils répondent à une demande croissante tout en préservant l’authenticité et la qualité de leur savoir-faire. L’avenir nous dira si ces produits permettront d’augmenter (ou du moins infléchir) la consommation globale de vin.