Voile – Louis Vuitton Cup, éliminatoires de la 37e Coupe de l’America
Trois ans et demi se sont écoulés depuis la dernière Coupe America à Auckland, et plus de huit mois depuis que les équipages de la 37e America’s Cup se sont affrontés sur la mer Rouge à bord des AC40. Mais malgré ces années de préparation, les marins suisses n’ont pas démontré ce dont ils étaient capables… jusqu’au Round Robin 2.

Quelques éclaircissements
L’America’s Cup incarne un ensemble de contradictions. D’une part, il s’agit de la plus ancienne compétition de yacht qui fonctionne toujours selon les règles établies en 1852 et, de l’autre, de systèmes révolutionnaires auxquels on n’assiste pas dans d’autres régates. AC75 signifie America’s Cup 75 pieds, soit un voilier monocoque à hydrofoils ne pesant pas loin de 6200 kilos pour une longueur de 20,7 mètres, nécessitant un équipage de huit marins, soit deux barreurs, deux régleurs de voile et quatre cyclistes.
Les AC 75 étant des machines énergivores, les watts coulent à flots pendant la demi-heure que dure une régate. C’est que manœuvrer les voiles et les foils nécessite tant d’énergie qu’un équipage ne peut maîtriser sans assistance. Dans ce domaine, les Américains ont innové : les cyclistes sont couchés, ce qui permet d’abaisser de 30cm la ligne de pont de American Magic, le bateau du New York Yacht Club. L’AC75 est sans doute le bateau le plus extrême que la compétition ait jamais vu. Alinghi, par exemple, a été dévoilé à Barcelone en avril dernier. Sa construction a impliqué trente personnes et soixante mille heures de travail !
Les équipes sont les suivantes : les cinq challengers sont INEOS Britannia, Alinghi Red Bull Racing, Luna Rossa Prada Pirelli Team, NYYC American Magic et Orient Express Racing Team. Tous ambitionnent de ravir la Coupe au Defender Emirates Team New Zealand. Mais les régates sont-elles intéressantes ? Disons qu’elles sont différentes. Les gîtes lors de bords serrés, l’envoi de spis après la bouée au vent, certains lofs et les empannages appartiennent au passé. Les AC75 sont si rapides qu’ils ne naviguent quasiment qu’au près. Avec un vent de moins de 10 nœuds, ils créent un vent apparent qui peuvent leur faire atteindre une vitesse de plus de quarante nœuds, soit plus du quadruple. Mais, une fois posé, le voilier ne redécolle que lorsqu’il atteint dix-huit nœuds, ce qui ne lui laisse que peu de chances de recoller au concurrent. Le principal intérêt, ou danger, est qu’un voilier soit « off foils ».

Arnaud Psarofaghis et Maxime Bachelin sont les deux barreurs d’Alinghi. Mais comment réussir de bons départs ? Pietro Sibello, le coach de l’équipage helvétique, expliquait le 25 août dernier, que le plan d’eau était assez facile à lire, donc si le départ était bien pris, l’équipe avait de fortes chances de l’emporter. « Nous en avons beaucoup parlé hier, raconte-t-il. Les marins ont fait du très bon boulot sur les phases de départ. Nous avons raté quelques détails à la fin, mais nous sommes sur la bonne voie. Dans la première course, le départ était très serré. Nous étions bien placés et avons viré juste en dessous des Britanniques. Ensuite nous avons essayé de les serrer mais nous étions un peu juste et il ne manquait pas grand-chose pour que ça passe. Après, c’est le bateau devant qui contrôle, donc il n’y avait quasiment aucune chance de rattraper. Mais je pense que c’est bien de voir que nous avons essayé d’être plus agressifs et je suis sûr que nous ferons mieux la prochaine fois… Avec Team New Zealand, l’objectif était d’attaquer et de profiter de cette course face à une équipe forte pour apprendre un maximum de choses. Là encore, l’équipe s’est bien battue. Nous pouvons encore nous améliorer et nous travaillons dur pour y arriver ! ».
Malgré ça, samedi 31 août, l’équipe britannique a fait retomber Alinghi sur sa coque en le couvrant et a pu s’échapper en tête avec une avance confortable. Malgré ce départ difficile, l’équipage suisse, s’étant bien battu, sait que pour rester dans le jeu, il va devoir soigner ses départs. Face aux Français d’Orient Express Racing Team, l’équipe suisse a franchi un cap encourageant en décrochant sa première victoire. Puis, dans le Round Robin 2, les Suisses ont battu les Américains, gagnant leur second point.
Les Américains veulent le retour de la Coupe, eux qui l’ont hébergée durant cent trente-deux ans. Eux, ce sont les New Yorkais du NYYC qui ont à leur actif vingt-neuf victoires, dont quatre avec Dennis Conner connu sous le nom de « Mr America’s Cup », qui dit un jour : « Il n’y a jamais eu d’esprit sportif dans l’America’s Cup. Ceux qui pensent ainsi se trompent. » Un article dans le magazine LIFE, en septembre 1988, était intitulé « Obsédé : Dennis Conner place la victoire de la Coupe au-dessus de l’amitié, de la religion et du sexe. » Dennis Conner a remporté 28 championnats du monde, une médaille de bronze aux Jeux olympiques de 1976 et a été nommé trois fois Rolex Yachtsman of the Year. Il avait 32 ans en 1974 lorsqu’il remporta la première Coupe, trois ans de moins qu’Arnaud Psarofaghis, le skipper d’Alinghi Red Bull Racing. Le barreur suisse, interrogé sur la situation de l’équipe, est resté positif : « L’ambiance dans le camp est vraiment bonne. Nous savons que nous devons marquer des points et pour cela, nous devons gagner des courses. Nous devons commencer rapidement, sinon nous ne serons plus en mesure de le faire. Chaque jour, nous allons essayer encore et encore de réparer ce qui nous manque jusqu’à présent. C’est maintenant ou jamais et nous attendons avec impatience le mardi pour aller sur le terrain et faire de bonnes courses. »
Les Anglais n’ont jamais remporté la Coupe de l’America, alors qu’ils n’ont jamais cessé de lancer des défis. Eux aussi la convoitent. Quant aux Italiens qui disposent d’un voilier rapide et élégant, ils sont des habitués des épreuves de la Coupe sans l’avoir, eux aussi, jamais conquise.
A Barcelone, la base de l’équipe Alinghi Red Bull Racing est ouverte et leur FanZone accessible. Il y règne une ambiance exceptionnelle selon Pierre Girod, le président de la Société Nautique de Genève sous le pavillon duquel court Alinghi. Il est également possible d’observer les préparatifs de l’équipe et le départ sur l’eau depuis la Plaça de l’Odissea. Les villages de l’America’s Cup installés sur la Plaça del Mar et à Bogatell offriront également une vue directe de la course depuis la plage sur des écrans géants. Le village de l’America’s Cup, situé le long du Moll de la Fusta, est le lieu de rendez-vous pour les divertissements et autres activités de l’America’s Cup.
Avec un retard dû aux conditions météo, la série des Round Robin 2 s’est achevée lundi 9 septembre. Pour qu’Alinghi soit qualifiée en demi-finales, il fallait que les Anglais battent les Français, ce qui leur fut facile. Mais Franck Cammas, le patron du team Orient Express, un marin bâti pour la course au large, était-il taillé pour la Coupe ?
Il fallait aussi, dans le pire des cas, que nos Suisses battent Luna Rossa. Subissant une avarie, le voilier italien fut aussitôt disqualifié. Quatre équipes, INEOS Britannia, Alinghi Red Bull Racing, Luna Rossa Prada Pirelli Team et NYYC American Magic, s’affronteront en demi-finale dès le 14 septembre. Les Anglais, arrivés en tête de ces Round Robin 2, ont accumulé sept victoires, devant les Italiens qui en ont compté six. Les Américains et les Suisse ferment la marche avec, respectivement, quatre et trois victoires. Les Français n’en comptaient qu’une.
Au terme de la série des demi-finales, les deux meilleurs équipes se retrouveront en finale du 26 septembre au 7 octobre, puis le vainqueur affrontera les Néo-zélandais dès le 12 octobre dans la 37e America’s Cup Louis Vuitton.