La petite histoire des mots
Slip
Georges Pop | Le centre Agroscope, spécialisé dans la recherche agronomique, en partenariat avec l’Université de Zurich, a lancé, au mois d’avril dernier, un projet de recherche plutôt insolite. Il a invité les propriétaires de potagers, les jardiniers, ainsi que les agriculteurs, à enterrer des slips dans leurs parcelles, leurs prairies et leurs platebandes. L’état de décomposition des ces petites culottes, une fois exhumées, donnera, semble-t-il, des informations précieuses sur l’état sanitaire des sols concernés. Si le sol est riche en vers de terre, en acariens, en bactéries, en champignons, etc., le sous-vêtement devrait, en quelque semaines, se décomposer jusqu’à la corde. Le projet est intitulé « La preuve par le slip ». Voilà qui nous amène au mot « slip » qui désigne une petite culotte, souvent en coton, recouvrant le bas du bassin et les parties intimes, généralement échancré sur les cuisses. Le slip se distingue du caleçon qui est beaucoup plus flottant. Le terme nous vient du verbe anglais « to slip » qui veut dire « glisser ». Inutile de faire un dessin ! Pour désigner un sous-vêtements, ce mot fit, pour la première fois, son apparition dans la langue française le 20 septembre 1913, dans la revue hebdomadaire L’Illustration, célèbre à l’époque pour ses comptes-rendus imagés de l’actualité. Auparavant, le mot « slip » s’appliquait uniquement à une sorte de culotte courte, inventée en Angleterre au début de XXe, ou à la toute fin du XIXe siècle, pour la pratique du sport. Les premiers « vrais » slips furent lancés en 1918 par la marque française Petit Bateau, par référence aux paroles de la comptine enfantine dont les paroles sont « Maman les p’tits bateaux qui vont sur l’eau ont-ils des jambes ? ». En 1934, la société américaine Cooper’s lança la mode des slips Jockeys, en s’inspirant des maillots de bains courts, en vogue à cette époque sur les plages des Etats-Unis. L’invention du slip kangourou, souvent raillé de nos jours, fait toujours, quant à elle, l’objet d’une âpre polémique. La marque française Jil, fondée par le polytechnicien André Gillier, également fondateur de Lacoste, prétend en avoir inventé une première variante dès 1927. Mais la marque américaine Munsingwear en revendique aussi la paternité, pour avoir lancé sur le marché, en 1944, un slip doté d’une poche à ouverture horizontale extérieure, appelée « Kangaroo pouch », inspirée de l’anatomie des marsupiaux australiens. Parmi les slips les plus célèbres figure celui, rouge, de Superman, porté au-dessus de ses collants bleus ; celui, noir et en satin, de Batman, l’homme chauve-souris des années soixante et, dans un registre moins élégant, le slip kangourou blanc d’Homer Simpson qui ne s’en sépare jamais, notamment pour cuver ses bières dans son canapé préféré. Dans un registre plus trivial encore, les lecteurs du féroce et regretté dessinateur Reiser, se souviennent sans doute encore de son personnage baptisé « Gros Dégueulasse » : un homme sale, corpulent, mal rasé, habillé d’un seul slip kangourou souillé et surdimensionné, qui laissait dépasser ses attributs poilus. Notons pour terminer que les Canadiens français utilisent systématiquement le mot « bobette » pour parler de leur slip. Pourquoi ? Mystère ! Mais le fait est qu’au Canada, une des plus grandes fabrique de sous-vêtements s’appelle « Mesbobettes » et affiche fièrement ses slips sur internet…