Un témoignage de résilience
Bernard Pichon et Maurizio Zasso – Editions d’En Bas
Monique Misiego | Abusés, accusés, on ne sait plus trop qui est qui dans les nombreux procès qui relatent des faits similaires. Au moment où tant de personnes osent enfin sortir de l’ombre pour témoigner de ce qu’elles ont vécu, que ce soit dans le sport pour de très jeunes sportifs, dans les hautes écoles, à la TSR … Il y a d’abord le procès du peuple, celui qui s’exprime, celui qui juge parfois aussi. D’une fille qu’on a violé, on dira qu’elle l’a bien cherché, d’une fille qui se fait harceler dans la rue, on dira qu’elle n’avait qu’à s’habiller autrement. Parfois, les agresseurs sont jugés, parfois ils obtiennent un non-lieu. Mais toujours ces filles seront marquées ! Mais d’un enfant qu’on a abusé, que pourrait-on dire ? Certains de ces malades mentaux osent dire que l’enfant les a provoqués. Rien que ça. Un gamin qu’on a touché, qu’on a violé, qu’on a maltraité le paiera toute sa vie. On traîne ses blessures d’enfance même à l’âge adulte et ce sont ces blessures qui font ce que nous devenons. De plus, on dit souvent aux enfants de ne pas parler aux inconnus, de ne pas accepter de cadeaux ni de bonbons de quelqu’un qu’on ne connait pas. Mais leur apprend-on à se méfier des personnes qui sont à côté d’eux, des personnes qui ont autorité sur eux ? Parce que dans la plupart des cas, les abus se font dans le cercle familial. Eh oui, le 80 % des abus sexuels ont lieu dans la famille ou l’entourage proche. Maurizio Zasso est l’un de ces enfants abusés. Qui plus est, par son prof de gym, dans les années 1970. Longtemps il se taira. Parce que l’adulte, on lui doit le respect, surtout à cette époque. Il est issu d’une famille d’immigrés italienne des années 60. Il grandit à Sainte-Croix dans le canton de Vaud. Il va évoluer dans une famille modeste, où les parents se déchirent, où le père est alcoolique et parfois violent. Il va d’ailleurs essayer d’en parler à son père qui va lui répondre par une simple gifle. Fin de la discussion. Pas le terrain idéal pour pouvoir parler librement de ce qui lui est arrivé et de sa sexualité naissante qui s’avérera difficile. Ces abus subis à l’âge de 10 ans vont profondément affecter sa sexualité et son épanouissement socioprofessionnel. Il va entreprendre un apprentissage de cuisinier, partir en mission humanitaire en Albanie, ce qui va le pousser à entreprendre une formation professionnelle dans le travail social. Du côté de sa vie privée, il va connaître diverses expériences jusqu’à accepter son homosexualité et la vivre pleinement. Et entreprendre diverses thérapies pour se défaire de ce statut de victime et oser parler de son secret. Ce témoignage de résilience, il veut l’adresser à celles et ceux qui ont eu à endurer de tels actes. A leur entourage, voire aux auteurs et autrices de ces violences. Livré sans tabou, il nomme les choses, ce récit se veut salutaire pour lui. Il faut que la parole se libère et ce n’est qu’avec des témoignages comme celui-là que les choses pourront avancer. C’est le silence qui rend la douleur plus forte et non le contraire. A la fin du livre, de nombreuses adresses où vous pouvez obtenir de l’aide. J’ai beaucoup aimé et je vous conseille ce témoignage parfois crû mais touchant. Merci pour ce partage.