Votations du 9 février
Vers une économie suisse dans les limites planétaires ?

Contraindre l’économie suisse à respecter les limites écologiques de la planète : tel est l’objectif de l’initiative populaire des jeunes Vert-e-s « Pour une économie responsable respectant les limites planétaires », unique objet soumis au vote le 9 février.
La Suisse a accompli des progrès notables dans divers domaines environnementaux ces dernières décennies », c’est ce qu’annonce le Conseil fédéral dans le fameux livret rouge qui accompagne chaque votation. « Les ressources naturelles sont utilisées plus efficacement et la consommation par habitant génère globalement moins d’impacts qu’il y a vingt ans ». Pourtant, on constate une exploitation des ressources qui dépasse leur capacité de régénération. Pour situer cette surexploitation, un indicateur existe, celui du « jour du dépassement », développé par l’ONG Global Footprint Network et validé par la Confédération.
L’année dernière, ce seuil a été atteint le 27 mai, marquant la date à partir de laquelle la Suisse a consommé plus de ressources que ce que la nature peut renouveler en une année. Si l’ensemble de l’humanité vivait comme les Suisses, il faudrait 2,5 planètes pour subvenir aux besoins. C’est dans ce contexte qu’est née l’initiative des Jeunes Vert-e-s, visant à contraindre l’économie à respecter les limites planétaires d’ici dix ans afin de garantir un accès équitable à une alimentation saine, une eau potable propre et un air pur, tout en préservant la biodiversité.
Réorientation urgente de l’économie
Les partisans de l’initiative la présentent comme une réponse urgente à la crise écologique et sociétale actuelle. Selon eux, inscrire la protection de l’environnement dans la Constitution est une nécessité pour orienter l’économie et la société vers un modèle en phase avec les limites planétaires. Ils pointent du doigt la responsabilité des activités économiques dans les crises environnementales, accusant la surexploitation des ressources naturelles de provoquer des événements climatiques extrêmes et de déstabiliser les écosystèmes. En parallèle, ils dénoncent également les inégalités mondiales : les pays riches, comme la Suisse, ont une dette écologique envers les pays du Sud global, qui souffrent le plus des effets du dérèglement climatique malgré leur contribution marginale à celui-ci. Les initiants insistent sur la responsabilité morale et écologique de la Suisse dans cette lutte.
Le texte bénéficie d’un soutien politique et associatif. Parmi les alliés de l’initiative, on retrouve les Vert-e-s, le Parti socialiste, la Jeunesse socialiste, Greenpeace, Pro Natura, BirdLife ou encore les Amis de la nature. Ce rassemblement dépasse les frontières partisanes pour inclure un comité de 45 scientifiques totalisant ainsi une déclaration commune signée par un total de 83 experts suisses.
Inquiétudes économiques et politiques
Pour le Conseil fédéral et le Parlement, l’initiative va trop loin, notamment en raison du délai de dix ans imposé pour atteindre ses objectifs, jugé irréaliste. Ils craignent que ces exigences entraînent des conséquences économiques importantes, avec des coûts de transformation considérable pour l’économie suisse et des dépenses insoutenables pour l’Etat. Les autorités rappellent par ailleurs que la Constitution contient déjà des dispositions suffisantes en matière de durabilité. Les milieux économiques, à travers l’organisation Economiesuisse, soulignent qu’une faible consommation de ressources est souvent associée à des pays en situation de pauvreté. Ils estiment qu’aucun pays prospère ne respecte actuellement les exigences de l’initiative.
En dehors des soutiens issus de la gauche et des organisations écologistes, l’initiative peine à rallier des appuis. Les élus de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), du Parti libéral radical (PLR / droite), du Centre et même des Vert’libéraux se sont fermement opposés au texte lors des débats au Parlement. Les milieux économiques s’alignent également contre cette proposition, craignant son impact sur la compétitivité et la stabilité du pays.
Avenir incertain de l’initiative
Selon un sondage réalisé en fin d’année par 20 Minutes/Tamedia, le texte des jeunes Vert-e-s aurait été rejetée par 63 % des votants si le scrutin avait eu lieu le 27 décembre. Seuls 34 % des sondés se disent favorables au texte, tandis que 3 % restent indécis. Réponse le 9 février prochain dans les urnes.
Que font nos voisins ?
Si la Suisse se déchire actuellement sur cet enjeu, d’autres pays avancent dans cette direction ou sont en train de le faire. C’est le cas de la France qui a renforcé son « code de l’environnement » depuis 2020 pour obtenir une empreinte écologique neutre afin de respecter les limites planétaires.
L’Allemagne a également opté pour que chaque décision politique soit conforme aux limites planétaires. Ces modèles pourraient inspirer la Suisse à repenser son approche. Du côté de l’Italie, le gouvernement soutient l’agenda climatique européen. Mais pour l’heure, aucun texte souhaitant indexer l’économie sur les limites planétaires existe.