Votations du 24 novembre
Au menu, mobilité, logement et système de santé

Christa Calpini, pharmacienne, ancienne députée au Grand Conseil VD | Nous nous prononcions sur quatre objets. Le premier « Arrêté fédéral sur l’étape d’aménagement 2023 des routes nationales » a été refusé à 52,7 % des voix. La campagne a été acharnée avec une bataille de chiffres et de rapports d’experts de tous bords. J’ai eu parfois l’impression que nous votions sur la construction de nouvelles « méga-autoroutes » alors qu’il s’agissait de l’amélioration ciblée de six tronçons aux abords de villes, cinq en Suisse alémanique et un chez nous entre Nyon et Le Vengeron. C’est l’élargissement de ce dernier, long de 19 kilomètres, qui a donné lieu aux débats les plus vifs sur Vaud et Genève, entre partisans de droite et opposants de gauche. Facile de dire NON, pour ceux qui habitent dans un endroit bien desservi en transports publics ou qui ont le choix d’emprunter l’autoroute aux heures calmes. C’est oublier un peu vite que la route absorbe 70 % des kilomètres nécessaires au trafic des marchandises dont nous avons tous besoin et qu’à ce titre-là, il est dommageable de ne plus investir dans l’amélioration du réseau autoroutier. Nous avons besoin de la route et du rail et accepter ces projets n’aurait pas remis en cause l’effort porté sur le ferroviaire dans l’axe lémanique. Deux milliards sont prévus pour la gare de Genève, presqu’autant pour celle de Lausanne (victime de problèmes techniques) et 1,3 milliard pour le futur tunnel Morges-Perroy… Alors pourquoi ce rejet des six projets ? Il y a plusieurs éléments explicatifs.
Quasiment tout le pays a voté NON, excepté le nord-ouest. Gaspillage d’argent pour les uns, sans promesse de voir les bouchons diminuer, habitants ne profitant pas de ces réalisations, craintes des perturbations dans la durée dues aux lourds travaux, surfaces agricoles sacrifiées (problème par ailleurs peu évoqué quand il s’agit de la construction de pistes cyclables ou de voies ferrées), bref, beaucoup d’éléments dissuasifs. Il s’agira maintenant d’aller de l’avant en proposant des alternatives susceptibles de réunir une majorité avec des améliorations autoroutières moins ambitieuses et un effort accru sur les projets d’agglomérations. J’ai le sentiment que chaque automobiliste tient à sa voiture mais que ce sont toujours les autres qui engorgent les routes !
Le peuple a tranché, c’est NON !
Les deux objets suivants concernaient la « Modification du code des obligations (droit du bail : sous-location et droit du bail : résiliation pour besoin propre) » et ils ont été refusés à 51,6 % pour la sous-location et 53,8 % pour la résiliation de bail pour besoin propre. Ce résultat n’est pas surprenant car la Suisse est un pays de locataires. Avec un taux avoisinant 60 % de la population, notre pays est le pays européen où la part de propriétaires est la plus basse. Dans un contexte de pénurie de logements et de hausses des loyers, les opposants à la double réforme ont fait mouche en invoquant une détérioration des conditions de (sous-) location et plus de facilité de résiliation pour les bailleurs dans le but de louer plus cher aux nouveaux locataires. Je pense que nous n’aurions jamais dû voter sur ces deux objets. Le Conseil fédéral lui-même considérait qu’il n’était pas nécessaire de modifier la loi et que les règles en vigueur étaient suffisantes. Le Parlement à majorité de droite ne l’a pas entendu de cette oreille et a estimé utile de clarifier certaines notions ciblées et existantes en matière de sous-location et de résiliation. Le peuple a tranché, c’est NON !
Le pouvoir des assureurs maladie sera augmenté !
Le quatrième objet « Modification de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (financement uniforme des prestations) » a été accepté à 53,3 % avec un rejet unanime dans les cantons romands. C’est un petit OUI mais un grand événement puisque depuis l’introduction de la LAMal en 1996, c’est la première fois qu’une révision du système de santé est approuvée. Le but premier est un rééquilibrage financier de la prise en charge des coûts entre assurances-maladie et cantons. Désormais, toutes les catégories de soins seront financées de manière uniforme, dans tout le pays, à environ un quart par les cantons et trois quarts par les assureurs. Fini le financement consistant en trois clés de répartition, soit 55 % pour les cantons et 45 % pour les assureurs lors de séjours hospitaliers, 100 % par les assureurs pour tout l’ambulatoire (hôpital sans nuitée, cabinet médical, domicile) et 54 % par les assureurs contre 46 % par les cantons pour les soins de longue durée (EMS et soins à domicile). Le nouveau système est plus cohérent et induit une meilleure visibilité puisqu’il est le même partout. Il favorise plus de prises en charges en ambulatoire quand c’est possible et évite, pour le patient, d’éventuelles infections nosocomiales et autres désagréments hospitaliers. Le dialogue entre cantons et assureurs sera intensifié, tout comme la coordination entre prestataires de soins.
Certes, les opposants à la réforme ont raison quand ils affirment que le pouvoir des assureurs maladie sera augmenté puisque ceux-ci gèreront beaucoup plus d’argent (entre les mains des cantons auparavant). Les caisses-maladie auront en main les 35 milliards de nos primes plus les 13 milliards de nos impôts cantonaux. Pouvons-nous leur faire confiance ? La tentation peut être forte pour eux de poser des conditions pour rembourser telle prestation, tel soignant ou tel hôpital, et ainsi limiter les choix de l’assuré alors que ce dernier leur confie plus d’argent….L’avenir nous dira si ce changement est un pas dans la bonne direction pour essayer de maîtriser les coûts sans péjorer la qualité des soins.