Votations du 15 mai
Trois OUI clairs dans les urnes
Trois objets nous étaient soumis
Christa Calpini, pharmacienne, ancienne députée au Grand Conseil VD | Le premier est la « Modification de la loi sur le cinéma », plus communément appelée « loi Netflix ». Le but est de contraindre les services de streaming (par exemple Netflix, Disney+, ou Amazone Prime) ainsi que les chaînes de télévision étrangères diffusant de la publicité suisse (TF1, M6, etc.) à investir 4% de leur chiffre d’affaires dans la création cinématographique suisse. Ceux ne respectant pas cette règle seraient soumis à une taxe. La création cinématographique suisse devrait ainsi bénéficier d’un montant annuel de 18 millions. Ce système est déjà en vigueur dans la plupart des pays européens. De plus, la modification de la loi contraint ces mêmes fournisseurs de streaming à respecter un quota de 30% de diffusion de contenus européens. Les chaînes de TV suisses et européennes doivent depuis 1993 diffuser 50% au moins de contenus produits en Europe. La modification de la loi vise à ce que tous les acteurs soient sur un pied d’égalité. Il n’est pas logique que l’argent récolté en Suisse serve des productions étrangères. Le cinéma national est particulièrement important dans un pays comme le nôtre, petit, multilingue et ayant plus de peine à accéder au marché international. Le résultat de cet objet s’annonçait serré. C’est un OUI à 58,5% (76,1% VD) qui l’emporte. Le quasi-monopole américain du streaming en a certainement influencé plus d’un et le monde de l’audiovisuel évoluant, les lois doivent être adaptées.
Le second objet est la « Modification de la loi sur la transplantation » et il est accepté à 60,3% (81,3% VD). Le système de consentement explicite sera remplacé par le consentement présumé au sens large. Le don d’organe reste volontaire. Les personnes qui ne souhaitent pas donner leurs organes pourront l’exprimer via un registre fédéral ou en informant leurs proches. Grâce à l’adaptation de cette loi, davantage de personnes devraient exprimer leur volonté. En Suisse, 1500 malades sont en attente d’un organe dont 30% ont moins de 50 ans. En 2020, 70 personnes en liste d’attente sont décédées, faute d’avoir pu bénéficier d’un don. Ne pas faire don, c’est un peu comme si l’on jetait de la nourriture consommable alors que des personnes à proximité sont en train de mourir de faim. C’est bien pour cette raison que 80% de la population est favorable au don. Mais encore faut-il le faire savoir! Seule une minorité de 16% fait la démarche. Dorénavant, ce sera « qui ne dit mot consent ». La mort et tout ce qui l’entoure reste un sujet tabou. Or, dire de son vivant ses volontés, ôte aux proches la responsabilité et le poids de décider. « Je suis donneur, je souhaite être incinéré, mon ensevelissement devra se dérouler ainsi… » pas facile d’en parler quand on est en bonne santé. Avec ou sans transplantation, notre cadavre finira dans un crematorium ou mêlé à la terre. Faire un don d’organe, c’est un hymne à la vie. C’est autoriser de greffer une petite partie de notre corps mort, pour sauver un malade, personne vivante en sursis. Certains ont d’autres croyances mais le débat autour de cette votation aura permis une prise de conscience qui devrait être positive pour plus de dons. Il faut vraiment mettre sur pied des campagnes d’information pour que les directives anticipées deviennent une démarche usuelle qui règle non seulement les soins médicaux que l’on souhaite recevoir ou non en fin de vie mais aussi ce que l’on veut qu’il soit fait de son corps et de ses organes une fois que la mort arrive.
Le troisième objet porte sur la « Reprise du règlement de l’UE relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes (développement de l’acquis de Schengen) » et c’est un large OUI à 71,4% (74,4% VD) qui l’emporte. Le peuple a donc accepté une hausse de la contribution de la Suisse à l’agence européenne de surveillance des frontières Frontex. Les partisans du NON ont soulevé avec raison les abus commis aux frontières européennes face aux migrants. Certains agents ont participé au refoulement violent de milliers de réfugiés sans les entendre. La mauvaise gestion de l’agence est sous enquête et des réformes sont en cours. En quittant Frontex, aurions-nous résolu ces problèmes ? Certainement pas car Frontex peut exister sans nous et nous serions de simples spectateurs externes impuissants. En revanche, avec son refus de participer, la Suisse prenait le risque d’être exclue des accords Schengen/Dublin. Or Frontex est aussi le garant du bon fonctionnement de notre politique d’asile et de notre police fédérale Fedpol. Cette dernière a accès à la banque de données SIS, consultée plus de 300’000 fois quotidiennement, et assure ainsi la sécurité et la coopération des pays associés. Les Suisses se sont montrés pragmatiques et n’ont pas voulu prendre le risque de moins de sécurité transfrontalière. Ils n’ont pas voulu non plus de la réintroduction de contrôles systématiques aux frontières néfastes pour de nombreuses activités économiques.