Votation populaire
Une alliance revendique la fin de l’élevage intensif en Suisse
Accès à l’extérieur augmenté, méthodes d’abattage sans douleur, réduction du nombre d’animaux dans les exploitations et importations réglementées, voilà les ambitions de l’initiative contre l’élevage intensif. Un texte qui sera soumis à la population le 25 septembre.
Texte et images Thomas Cramatte
« Il n’y a pas d’élevage intensif en Suisse » communique l’Union suisse des paysans. Pour l’organisation faîtière du secteur, le bien-être animal constitue déjà une priorité et les effectifs maximaux par étables empêchent toute forme d’élevage industriel. Un point de vue qui n’est pas partagé par l’alliance soutenant ce changement de loi.
Pour les initiants, la tendance va dans la direction opposée, car avec la diminution du nombre de fermes depuis le début du millénaire (70’000 à 55’000), le nombre d’animaux élevés par exploitation a ainsi augmenté, ce qui impacte leur bien-être : « Les exigences des membres du oui veulent que le cahier des charges des exploitations corresponde aux normes bio de 2018 », renseigne l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires.
Dans son communiqué, la faîtière du monde agricole juge que cette initiative n’est d’aucune utilité : « Les normes suisses en matière de protection animale font partie des plus strictes au monde et les règles concernant les effectifs maximaux empêchent l’élevage industriel ». Du côté des politiques, le Conseil fédéral et le Parlement rejettent cette initiative.
Lancée par l’association Sentience en 2018, plusieurs organismes soutiennent la campagne autour de l’initiative. Au registre des plus connues, on note la Fondation Franz Weber, Greenpeace, Quatre pattes ou encore Pro Natura. Les politiques ne sont pas en reste, puisque Les Vert’s et le parti Socialiste font également partie des acteurs soutenant ce texte. On retrouve également plusieurs personnalités comme l’ancien conseiller national Joseph Zisyadis. Pour lui, les citoyens se trouvent devant un choix planétaire : « Etre gavés par quelques centaines de milliers d’agromanagers industriels ou être nourris par 1,5 milliard de petits paysans défendant la souveraineté alimentaire et l’agroécologie ». Outre l’aspect économique, la chanteuse Katy Winter évoque le fait qu’il n’existe pas d’élevage intensif respectueux des animaux.
Quels impacts dans le district
Du fait de sa topologie et de ses types de producteurs, la région ne compte que peu d’exploitations impactées en cas d’acceptation le 25 septembre prochain. La cible principale des initiants : les grosses exploitations d’engraissement, élevant jusqu’à 27’000 poulets, 1500 cochons ou 300 bovins dans une seule et même halle.
Pourtant, de plus petites exploitations seraient impactées si ce changement de loi voit le jour. C’est le cas de ETA Haenni & Porchet, à Forel et Aran, production avicole comptant 7000 poules pondeuses blanches : « L’impact serait monstrueux ! Pour nous, il n’est tout simplement pas pensable de réduire notre effectif à 2000 », s’offusque Nicolas Haenni, co-responsable de l’entreprise. Une société répondant aux exigences actuelles de la ponte en plein air : « Nos volailles naviguent entre le poulailler et les 12.5 hectares de prairie », précise Jean-Pierre Haenni, ancien chef de l’exploitation. « La seule différence avec le bio, c’est qu’elles ne sont pas exclusivement nourries avec des aliments bio et le maximum de 2000 poules peut être dépassé ».
Record de production
Pour la première fois de l’histoire, la production d’œufs en Suisse a dépassé le milliard d’unités en 2020 (1064 milliard). Un Suisse consomme en moyenne 189 œufs par année, 121 sont d’origine helvétique, tandis que 68 proviennent d’importations, soit 38 % du marché : « On produit 62 % du marché de l’œuf et on nous fait encore des reproches, alors que l’on parle sans cesse de circuit court », commente Jean-Pierre Haenni. Pour l’ancien agriculteur, les accords internationaux avec l’organisation mondiale du commerce (OMC) sont responsables de cette situation.
La Suisse a interdit l’élevage en batterie depuis 1992, devenant ainsi le premier pays à se munir d’une telle restriction. Aujourd’hui, en France, une poule peut être accompagnée de 100’000 de ses congénères et de 200’000 aux Pays-Bas. Ce marché jouit d’un bon système de traçabilité, chaque œuf présent dans le commerce est tamponné du numéro de l’exploitation, de la méthode de ponte et de sa provenance (voir encadré). Pour les collaborateurs de ETA Haenni & Porchet, cette initiative bouleverserait toute la branche : « C’est l’initiative de l’hypocrisie. Les importations exploseraient sans que l’on puisse contrôler la qualité de ces produits », s’indigne Jean-Pierre Haenni.
Pour pallier cela, l’initiative prévoit d’appliquer des restrictions plus strictes aux importations de produits d’origine animale. Une utopie pour les opposants, car une telle pratique constitue une violation des accords entre la Suisse et l’OMC : « Ce qui se solderait par une augmentation des importations de produits en provenance de pays avec un faible niveau de bien-être animal », informe le site www.non-initiative-elevage-intensif.ch.
Pas pour toutes les bourses
Toujours du côté des opposants, cette initiative laisse une question en suspens : « Le comité d’initiants a-t-il pensé aux citoyens ayant un faible pouvoir d’achat ? », s’interroge Laurent Chaubert, responsable d’un poulailler bio à Puidoux. « Tout le monde ne peut pas s’offrir des œufs avoisinant un franc pièce ».