Viticulture – Réforme des AOC vaudoises
Plan de relance vitivinicole vaudois
Dans le cadre du plan de relance, initié fin 2022, la Communauté interprofessionnelle des vins vaudois (CIVV) a eu reçu comme projet, de la part du Département de l’agriculture et des finances (DAF) de la conseillère d’Etat Valérie Dittli, de réviser les AOC du canton. Le sujet phare du département était présenté aux professionnels de la branche en Lavaux.

Une réforme pour dynamiser le secteur vitivinicole
Adopté en 2022, le plan de relance vitivinicole a trois points forts : la production, la protection de l’environnement et des infrastructures et la promotion. C’est le premier point qui a conduit la Communauté interprofessionnelle du vin vaudois (CIVV) à envisager une révision du système des AOC, en place depuis 2009. L’objectif principal est de renforcer la compétitivité des vins vaudois en adaptant les appellations aux nouvelles tendances du marché et aux préférences des consommateurs, notamment les plus jeunes. Cette réforme vise également à encourager l’innovation tout en préservant les traditions viticoles de la région. Avant de proposer le projet de réforme au Conseil d’Etat, la cheffe du département et les représentants de la CIVV ont fait la tournée des quatre régions viticoles du canton de Vaud, dernier arrêt à Aran pour Lavaux. Il était important de venir sur place afin de présenter les adaptations faites pour la réglementation des AOC, pour Olivier Mark, président de la CIVV, « c’est du débat que naît le progrès ».
Depuis 2022, le plan de relance a déjà connu quelques succès :
• Aides aux investissements : 2 millions de francs par année à disposition pour des aides à fonds perdus si les vignerons créent ou rénovent leurs caves, avec un aspect durable
• 500’000 francs pour le renforcement du plan « phyto », pour que la durabilité dans les vignes soit renforcée (équipements, avoir une culture plus proche de la nature, etc.)
• Aide de l’Etat de 3 millions de francs supplémentaires sur deux ans, 50 % de plus du budget de l’Office des vins vaudois (OVV) ces deux dernières années, pour la promotion. A noter qu’une partie de ce budget a été redistribué aux régions, qui ont pu mettre en place des plans régionaux pour des projets innovants dans la promotion
Pour Valérie Dittli, il est « primordial que la réforme soit approuvée par la branche et que l’on ne reste pas dans nos bureaux en train de rédiger quelque chose qui ne correspond pas ».
Les principales modifications proposées
Le système des AOC remplit trois fonctions : protection des noms géographiques, l’information au consommateur et la segmentation du marché du vin, qui montre la bonne qualité du vin. Au cours des différentes discussions avec les représentants, la question du 60/40 n’a pas été remise en question partout.
La réforme prévoit une restructuration de la pyramide des AOC vaudoises, avec des ajustements notables :
• AOC Vaud : Cette appellation cantonale deviendrait un espace dédié à l’innovation, permettant l’utilisation de cépages résistants, la production de vins pétillants, de rosés, et l’adoption de nouvelles pratiques œnologiques. La liste des cépages autorisés serait élargie pour inclure ceux en phase d’expérimentation, offrant ainsi une plus grande flexibilité aux vignerons.
• AOC Région : Les règles actuelles concernant les assemblages et les périmètres des appellations régionales resteraient majoritairement inchangées, préservant ainsi la flexibilité nécessaire pour répondre aux exigences du marché. Dans cet AOC la règle du 60/40 sera maintenue.
• AOC Grand Cru : Cette mention serait renforcée pour garantir l’origine exclusive du lieu de production. Les vins portant cette appellation devraient être issus de cépages traditionnels, provenir d’un unique terroir, être vinifiés et embouteillés dans le canton, et soumis à une dégustation d’agrément pour assurer leur qualité.

Les réactions de la région de Lavaux
En préambule des différentes présentations de Olivier Mark et Luc Thomas, Fabio Bongulielmi a pris la parole pour exprimer l’avis général de la région. « Lavaux ne cherche pas à s’opposer à la restructuration envisagée. C’est un paysage vivant et évolutif, notre position n’est donc pas celle du refus mais celle de la collaboration. Nous avons à cœur d’exprimer nos besoins et veiller que cette réforme s’inscrive dans une approche durable du paysage viticole cantonal. Nous aspirons à une réforme qui respecte les particularités locales tout en renforçant la cohésion et le dynamisme cantonaux ».
La mise en place d’une dégustation d’agrément est perçue comme une déviation de l’objectif initial de l’AOC Grand Cru, introduisant une subjectivité non souhaitable. De plus, plusieurs interrogations restent actuellement sans réponses sur l’organisation d’une telle dégustation : quel organe en aura la charge, qui seront les dégustateurs et quel sera le coût pour les vignerons qui souhaiteraient faire passer leurs vins en Grands Crus ?
Enfin, l’interprofession insiste sur la nécessité d’une autonomie régionale dans l’application du règlement. Chaque région viticole possède une identité propre et un savoir-faire spécifique qui doivent être préservés. Lavaux défend la nécessité pour chaque région de pouvoir ajuster les cépages autorisés pour ses propres Grands Crus afin de garantir une meilleure adéquation avec son terroir et ses traditions.
Oliver Mark rappelle qu’il y a « deux concepts de Grand Cru, une mention Grand Cru et des appellations territoriale. L’appellation territoriale répond à un certain idéal, on fait des analyses de sol, on regarde l’orientation des parcelles. Ce qui a été fait, il y a des années, c’est formidable mais on peut le faire ailleurs dans le canton, la porte n’est pas fermée. Toutefois, on est un peu obligé de faire cohabiter ça avec un cahier des charges pour d’autres régions. On essaiera de trouver des critères, on a bien compris que la dégustation posait des problèmes, soit on va la simplifier à l’extrême, la rendre opérable ou la remplacer par d’autres critères ».
Un équilibre entre tradition et innovation
Cette réforme des AOC vaudoises ambitionne de dynamiser le secteur vitivinicole en alliant tradition et innovation. Elle vise à renforcer la compétitivité des vins vaudois sur les marchés locaux et internationaux tout en respectant les spécificités régionales. Les discussions en cours entre les autorités cantonales et les acteurs de la filière, notamment ceux de Lavaux, sont essentielles pour aboutir à une mise en œuvre équilibrée et respectueuse des traditions viticoles locales.
En conclusion, le groupe de travail va « reprendre l’ouvrage et en mai l’Interprofession va déposer un dossier, qui vous sera naturellement dûment communiqué, à l’Etat qui en fera le meilleur usage, parce que l’avantage de ces rencontres c’est que l’Etat est avec nous et vous a entendu, comme l’a déjà dit la conseillère ».