Un riche éventail d’estampes contemporaines
La Galerie L’Estrée présente les travaux réalisés par l’Atelier Raynald Métraux jusqu’au 4 juin
La Fondation L’Estrée a offert carte blanche à un atelier lausannois, sis dans le quartier branché du Flon à Lausanne. Et pas n’importe lequel, puisqu’il s’agit de l’Atelier Raynald Métraux, ouvert en 1991. Non seulement celui-ci réalise des estampes contemporaines – notamment des lithographies sur ses trois presses à bras datant du milieu du XIXe siècle – mais encore il fait des démonstrations publiques et organise des expositions, jouant ainsi un rôle important dans la vie artistique en Suisse. Notons une particularité vaudoise : dans un métier qui se fait rare, et où le savoir professionnel se perd, notre canton compte encore trois ateliers de taille douce et de lithographie très actifs.
Dans l’exposition de L’Estrée nous sont montrées les œuvres de pas moins de 37 artistes, pour la grande majorité en vie. Si l’on y retrouve des noms connus, tel celui de Gérard de Palézieux, décédé, cette présentation permet aussi de faire de belles découvertes et met en valeur les infinies possibilités de l’estampe. Cet éclectisme constitue l’un des charmes de l’exposition.
Comme il n’est pas possible de citer ici tous les noms d’artistes, le soussigné tient à préciser d’emblée ses goûts, voire ses préjugés, certes contestables… Il est assez réticent face à l’ « art conceptuel », c’est-à-dire celui dont le but premier est de communiquer un message, au prix souvent d’un certain minimalisme esthétique. Il aime sentir derrière la gravure le travail de « l’artisan », en prise avec la matière, la pierre, le métal, le bois ou autre, tel que le concevait déjà Albrecht Dürer. Voici donc un choix subjectif d’œuvres qu’il juge particulièrement intéressantes.
On est accueilli par des travaux de Mix & Remix (alias Philippe Becquelin, décédé), dessinateur de presse fort connu. Très subtilement, il joue sur les mots. Par exemple, l’expression figurée « manipuler la presse » est illustrée par un homme passant un rouleau sur la pierre ! Le visiteur appréciera le travail original de Vincent Kohler, représenté sur l’affiche hyperréaliste de l’exposition, qui relève du pop art. L’artiste est aussi le créateur d’un ensemble en trois dimensions de 14 vêtements féminins coulés dans le bronze… Plusieurs créateurs présentent des travaux géométriques abstraits, où formes primaires et couleurs jouent ensemble, comme dans la série de neuf bois gravés de Philippe Deléglise. La lithographie intitulée « Fedor et Gustave » d’Alain Huck, imprimée avec un soin extrême par l’Atelier Métraux, laisse imaginer un glacier alpin et un barrage. Sophie Bouvier Ausländer utilise comme supports des pages cirées de journaux financiers britanniques. Dans un tout autre genre, mentionnons les bois gravés à la fois figuratifs et très imaginatifs d’Albertine, connue comme illustratrice de livres pour la jeunesse. Quant aux enfants, ils seront sans doute ravis d’avoir dans leur chambre une litho représentant le fameux chat Milton, réalisée par une autre femme créatrice, Haydé (Ardalan) ! Plus intéressantes à nos yeux sur le plan esthétique, son ensemble de lithos très colorées basé sur le thème des oiseaux exotiques. Dans un genre plus classique, rappelant un peu Claude Monet, une estampe de Peter Emch traduit magnifiquement l’ambiance de bord de lac, dont l’eau est striée par un élément qui en rompt l’absolue quiétude.
On l’aura compris, cette exposition d’une saisissante variété, aux œuvres éclectiques, permettra d’affiner les goûts personnels des visiteuses et visiteurs, qu’ils aillent plutôt vers le dépouillement de l’art géométrique, vers l’amour de la couleur, l’humour, la transmission d’un message, la prouesse technique ou toute autre caractéristique. L’occasion aussi de (re) découvrir dans un même espace un panel d’artistes très différents. Et pour terminer, un « détail » qui a son importance : vu qu’il s’agit d’estampes, leur prix est tout à fait abordable.
« Estampes contemporaines de l’Atelier Raynald Métraux », L’Estrée, 1088 Ropraz , jusqu’au 4 juin.