Un chantier naval à Puidoux
Une embarcation exceptionnelle flotte sur le Léman

Michel Dentan | Il évoluait d’abord dans le milieu de la typographie, il a ensuite poursuivi ses études et obtenu un titre d’ingénieur, et finalement, le moment de la retraite étant arrivé, a remarquablement su s’improviser « constructeur naval » ! Nous avons récemment eu le privilège de rencontrer Peter Egli, génial bricoleur (au sens noble du terme), dans son petit coin de paradis sur les hauts du village de Puidoux, à une altitude et à une distance bien éloignées de celles de notre beau lac. Et c’est pourtant à cet endroit qu’il nous a ouvert son « hangar-atelier-chantier naval » pour nous présenter son exceptionnelle création : un véritable pédalo – mais presque un bateau -, dûment expertisé et officiellement immatriculé, prêt à voguer sur les eaux du Léman.

Pourquoi se lancer dans une telle aventure ? Devenu grand-père pour la première fois au mois de juillet 2017, auparavant passionné de voile, il conçoit alors le projet de créer un bateau, du genre paquebot modèle réduit, futur jouet destiné à son nouveau petit-fils. L’idée de base était qu’un spectateur ne puisse pas voir la présence d’un occupant, faisant ainsi croire qu’il s’agissait d’un simple engin télécommandé. Mais l’installation d’une cabine posait des problèmes de stabilité et de sécurité et cette option a été abandonnée, tout au moins à ce premier stade. Pour la propulsion, tout était bien décidé et défini : une hélice actionnée par un pédalier. Les premiers tests réalisés avec des parties de vélo récupérées à la déchetterie du village ont vite permis de mettre en évidence le fait qu’il fallait trouver une autre solution. « J’ai alors compris pourquoi un mécanicien sur vélos devait faire plusieurs années d’apprentissage » souligne en riant Peter Egli. Après avoir vainement cherché sur internet les pièces nécessaires, il s’est tourné vers une entreprise du nord de l’Allemagne, spécialisée dans la construction de pédalos, qui a pu lui fournir pédalier, hélice, transmission et gouvernail pour son projet. Cette première étape franchie, il fallait passer à la suite de la réalisation. Sur la base de ses dessins et plans, plusieurs fois retravaillés et améliorés, ainsi que d’une petite maquette élaborée par lui-même, Peter Egli s’est lancé dans la construction de la coque, n’utilisant que des bois précieux. Débitage, découpage, collage, assemblage, ajustage de chêne massif, de mélèze, d’acajou, n’ont plus de secret pour lui, sans oublier l’impeccable travail de finition avec deux couches de résine et de fibre de verre. Afin d’ajuster le franc-bord et la ligne de flottaison à la hauteur voulue, ce sont encore 150 kilos de plomb qui ont été coulés au fond de la coque. Très minutieux, perfectionniste, parfaitement organisé, le constructeur n’a pas non plus négligé les détails de son pédalo. C’est ainsi que son équipement n’a rien à envier à d’autres bateaux puisqu’il comporte, outre l’aménagement réglementaire, des options non exigées pour un pédalo mais qui lui apportent une touche de véritable petit navire (équipement électrique, feux de navigation, boussole, éclairage intérieur, pompe de cale électrique, klaxon et même les pavillons des codes internationaux des signaux maritimes !).

Mise à l’eau et baptême
C’est le samedi 24 juillet que le pédalo a été transporté sur les rives de Villeneuve – choisis pour être le lieu le plus propice à cette opération – sur la remorque spécialement conçue et adaptée par Peter Egli, pour être mis à l’eau. Le nom de William, qui n’est autre que le prénom du petit-fils à qui il est destiné, a été donné à cette exceptionnelle réalisation. C’est en présence d’un grand nombre d’invités, passants et badauds, que la cérémonie a été célébrée, agrémentée des traditionnels discours, chants et aux sons d’un cor des Alpes. La marraine, Stéphanie, fille de Peter Egli, sous les applaudissements, a déversé la traditionnelle bouteille de champagne sur l’embarcation, rappelant que le Titanic n’avait pas connu ce rituel et que tous se souvenaient de la manière dont son premier voyage s’était terminé ! Elle a souligné qu’à l’heure du réchauffement climatique, le constructeur avait décidé de ne pas briser la bouteille sur la coque afin d’éviter les déchets, certain que le dieu Neptune, serait favorable à cette pensée écologique.