T-Shirt
La petite histoire des mots
La semaine dernière, le régime chinois a montré sa détermination à écraser toute tentative d’opposition, même pacifique, dans l’ancienne colonie britannique de Hong-Kong. En vertu d’une nouvelle loi très répressive portant sur la sécurité nationale, un tribunal y a condamné pour sédition un jeune homme de 27 ans à 14 mois de prison ferme. Son crime : avoir porté un t-shirt arborant le slogan « Libérez Hong-Kong »,
Le mot « t-shirt » est certes un anglicisme. Il est néanmoins omniprésent dans la langue française et peut tout aussi bien s’écrire « tee-shirt » ou « teeshirt ». Au Canada, où les francophones résistent opiniâtrement à l’influence de la langue de Shakespeare, ce maillot en coton à manches courtes est parfois appelé « paletot », et plus rarement « gaminet ». Ce dernier terme, dérivé du substantif « gamin », a été inventé en 1974 par le journaliste et romancier français Jacques Cellard, allergique au franglais, pour remplacer « t-shirt ». Sans grand succès !
C’est au XIXe siècle que le « t-shirt » naquit aux Etats-Unis. A l’origine, il était porté comme sous-vêtement par les ouvriers et les paysans. Comme il avait la forme d’une lettre « T », il a suffi aux Américains d’associer à cette lettre le mot anglais « shirt », qui signifie chemise, pour obtenir « t-shirt ». Ce vêtement aurait pu rester confiné à un usage confidentiel si, en 1913, la marine de guerre américaine ne l’avait pas adopté pour tous ses marins, le jugeant très facile d’entretien et surtout capable d’absorber rapidement la transpiration.
Progressivement utilisé par tous les militaires US, le t-shirt commença sa vraie carrière civile en 1938, en apparaissant sous la marque « Gob Shirt » (chemise de marin), dans le catalogue de la grande entreprise américaine de distribution Sears Roebuck. Il y était proposé pour la très modique somme de 24 cents pièce. Popularisé par la presse et les photos de soldats, le « t-shirt » se répandit comme une trainée de poudre dans le reste du monde, et notamment en Europe, où son nom fut aussitôt adopté, dès le début des années cinquante.
Le « coup de grâce » fut porté par le cinéma, Marlon Brando et James Dean ayant contribué à rendre le « t-shirt » encore plus séduisant et sexy. En 1951, dans le film de Stanley Kowalksi « Un tramway nommé désir », Marlon Brando portait un t-shirt moulant blanc qui attisa tous les fantasmes féminins. Quatre ans plus tard, ce fut au tour de James Dean, en veste du cuir et t-shirt blanc, d’être hissé au titre de symbole d’une jeunesse décomplexée dans le film « La fureur de vivre » de Nicholas Ray.
A la fin des années soixante, le mouvement hippie se servit de t-shirts pour afficher des symboles ou des slogans pacifistes, prônant l’amour plutôt que la guerre. Depuis les années septante, tout le monde, ou presque, porte un t-shirt par commodité, pour affirmer sa personnalité, afficher une opinion, un message publicitaire, ou son appartenance à un groupe.
Comme le bluejean, le « t-shirt » est devenu une « seconde peau ».