Sport – « Un projet de centre national est sur les rails »
Dominique Blanc préside l’Association suisse de football (ASF) depuis 2019. Candidat pour un nouveau mandat de deux ans, le Vaudois détaille les ambitions et le futur du foot helvétique avec la création d’un centre suisse. Il était de passage dans nos bureaux. Interview.
Bientôt un centre suisse de football
A l’image du centre national de Clairefontaine en France, le comité central de l’ASF travaille depuis une année sur un projet similaire en Suisse. Une étude de faisabilité est en cours afin de définir les exigences et les lieux pouvant accueillir un espace de cinq hectares minimum (4-5 terrains de foot + toutes les infrastructures). Sur les quatorze projets présentés, cinq ont été pré-sélectionnés et l’étude devrait être terminée à la fin du mois de mai. L’étape d’après se concentrera sur les aspects financiers et le modèle économique pour construire le futur temple du football.
Déçu du parcours de l’équipe nationale lors du dernier mondial ?
La Suisse a fait trois matches solides contre trois grands adversaires. Hormis la défaite 6 à 1 contre le Portugal, il faut se souvenir que nous avons gagné contre le Cameroun, la Serbie et le Brésil, le meilleur match de notre équipe au Qatar. Il est clair que le résultat et la prestation de l’équipe nationale nous ont déçus contre le
Portugal, mais c’est le jeu. Dans l’ensemble, c’est une Coupe du monde réussie pour notre Nati.
Votre rêve le plus grand pour la Nati ?
Dans un premier temps, il s’agirait de réitérer l’exploit de l’Euro de 2021. Nous avons non seulement éliminé la France, mais battu le champion du monde en titre. Et l’on n’était pas loin de passer en demi-finale.
Selon vous, la Suisse peut rêver de ramener la Coupe du monde sur la place Fédérale ?
Rire. Je souhaite que nos joueurs puissent, eux, réaliser leurs ambitions. Avant le mondial au Qatar, notre équipe a rêvé à
remporter le titre. Notre association soutient les ambitions des joueurs helvétiques. Donc si l’équipe de Suisse veut rapporter la Coupe du monde, nos objectifs sont identiques.
Murat Yakin, entraîneur de la Nati, a été vivement critiqué après la défaite 6 à 1 contre le Portugal au mondial. Comment votre association a-t-elle réagi face à la stratégie utilisée durant cette rencontre ?
Ce n’est pas le rôle du président de l’ASF de faire des commentaires sur les tactiques exercées sur le terrain. Murat Yakin a largement communiqué depuis au sujet de ses choix et des concertations avec tous ses joueurs. Si cette union n’a pas montré ses preuves, dans ce match, la position de l’entraîneur au sein de la Nati n’est pas remise en question. Cependant, grâce à ce match, nous avons pu mesurer que notre équipe présente un problème dès les huitièmes de finale. Même si cela reste un très grand challenge, il faut tout faire pour le relever. Il s’agit à présent de comprendre pourquoi et de nous adapter pour franchir ce palier. La volonté est là.
Quelles pistes sont imaginées pour surmonter l’étape des huitièmes de finale ?
Ce n’est un secret pour personne, le mental joue un rôle déterminant dans tous les sports. Mais ce n’est pas le seul paramètre qui rentre en ligne de compte.
Nous pourrions, c’est un exemple nous inspirer de l’équipe nationale belge où chaque joueur possède deux matelas thermoformés pour maximiser leur sommeil et leur récupération. Chaque détail compte à ce niveau. Pour répondre à votre question et revenir, nous avons constaté que nous avons encore un potentiel d’améliorations dans le domaine athlétique, dans l’évaluation des données scientifiques et que l’alimentation des joueurs suisses pouvait être améliorée, par un programme de nutrition plus pointu pour maximiser leur énergie au bon moment .
Mais rappelons-nous qu’à ce stade des tournois, nous affrontons des adversaires de très haut niveau !
Toujours au Qatar, après la victoire contre la Serbie, Granit Xhaqa avait revêtu un maillot portant l’emblème de l’armée de libération du Kosovo (UÇK). Peu de réactions dans la presse et, à notre connaissance, aucune action de l’ASF. Que dire à ce propos ?
Premièrement, tout ce que fait ou ne fait pas notre capitaine fait parler. Deuxièmement, avant cette rencontre, nous avons
travaillé avec la Fédération serbe de football et sensibilisé les joueurs pour penser uniquement au sport, et non aux aspects politiques.
Malgré ce mot d’ordre, la tension était très importante sur le terrain et dans le stade. Il est cependant difficile de se mettre à la place des joueurs avec des racines kosovares où les parents ont subi la guerre
d’ex-Yougoslavie. Nous devons faire preuve de compréhension sur cet aspect.
Il n’y a donc eu aucune remontrance pour Granit Xhaqa ?
La FIFA a ouvert une enquête après ce match. Elle a jugé que l’équipe suisse, y compris Granit Xhaqa, n’avait fait usage d’aucun geste politique durant cette rencontre.
Nous avons encore du travail à faire pour améliorer le fair-play et éliminer la violence dans le foot
N’est-il pas laxiste de la part de votre association d’avoir gardé le silence dans cette affaire ?
A partir de la décision de la FIFA, nous n’avions pas de raison de communiquer activement sur ce point afin éviter d’alimenter cette péripétie de quelque manière que ce soit. Les relations entre la Suisse et les 188 nationalités représentées dans le football helvétique sont excellentes. Si nous commençons à prendre position sur ce genre de comportement, nous allons créer des polémiques inutiles. Le foot est extrêmement intégrateur et ce type de manifestation plutôt rare. Tant qu’elles restent dans un cadre qui ne peut pas faire l’objet de sanctions, elles ne sont pas un problème majeur.
Des révélations de corruption liées à l’arbitrage secouent actuellement le FC Barcelone. Un ancien dirigeant arbitral de la Fédération aurait reçu plusieurs millions d’euros pour faciliter la victoire du club catalan. Comment l’ASF inspecte les arbitres pour garantir l’honnêteté de ces derniers ?
Toute la structure mise en place actuellement entrave les affaires de corruption. Nous n’avons jamais eu connaissance d’un cas de corruption en Suisse. A notre sens, le corps arbitral et les clubs helvétiques ont un comportement éthique irréprochable.
Je suis convaincu que l’honneur joue un rôle prépondérant en Suisse comme ailleurs. Les affaires de corruption dans l’arbitrage sont extrêmement rares.
Même au niveau régional, des bagarres éclatent fréquemment, comment expliquer ce phénomène ?
Cette question s’est posée au sein de notre association. Nous nous sommes inspirés du rugby car, pour nous, ce sport représente le modèle idéal. L’avantage du foot réside dans son immense popularité, mais c’est également son talon d’Achille. Car au-delà de la cohésion sociale qu’il apporte, le football est le parfait reflet de la société. Des études de sociologie démontrent que le basket et le rugby sont des sports plus sélectifs, car ils sont moins accessibles et moins médiatisés. Pour faire simple, ce n’est pas le football qui est violent, mais la violence qui s’empare du football.
Ne faudrait-il pas changer les règles pour pacifier les comportements ?
Nous avons encore du travail à faire pour faire respecter le fair-play sur le terrain et éliminer la violence dans et autour des stades dans le foot (même si les incidents sont inférieurs à 1% de tous les matches qui se déroulent). Personnellement, je trouve affligeant que les joueurs puissent entourer un arbitre lors de controverse. Dans le rugby, seul le capitaine peut parler avec l’arbitre. Donc oui, les règles pourraient, et devraient, selon moi, évoluer dans ce sens.
On observe toujours plus de témoignages reprochant aux hommes de jouer la comédie, alors que les femmes se battent pour la victoire. Comment votre association promeut le foot féminin ?
Le football féminin est présent depuis 52 ans au sein de notre association. Nous ne faisons aucune distinction entre un foot
pratiqué par les femmes ou par les hommes. Autrement dit, l’ASF parle d’un football pour toutes et tous. Les mêmes moyens sont engagés entre les genres.
De plus en plus de clubs possèdent des terrains synthétiques. Cependant, plusieurs joueurs se plaignent des dégâts physiologiques provoqués par ce type de surface. Votre association prévoit de minimiser leur construction ?
Cette tendance va grandissante et cela est inévitable. La raison est simple : un terrain naturel permet de jouer environ 800 heures, tandis qu’une surface synthétique ne présente aucune limite temporelle. Pour les communes qui doivent construire un nouveau
terrain ou rénover leur infrastructure, cette alternative est très intéressante. Les surfaces à disposition ne sont pas illimitées. Sans oublier les coûts d’entretien. Du point de vue de l’état de santé des joueurs, il a été démontré que les contraintes physiologiques infligées par les terrains non naturels ne sont ni pires ni meilleures. Elles sont différentes.
Dominique Blanc, vous avez débuté votre carrière footballistique à Lausanne. Vous êtes devenu arbitre et avez par la suite dirigé la ligue amateure. Vous êtes depuis le 1er juillet 2019 président de l’Association suisse de football et vous l’avez dévoilé avant cette interview, vous êtes en lice pour un nouveau mandat de deux ans. Quelle sera votre prochaine étape ?
Aujourd’hui, je n’ai plus 20 ans… Alors, je comprends que lorsque l’on regarde les dirigeants du football, on pourrait croire que ce sont des vieux chnoques (rire) ! Ceci dit, j’espère rester dans une fonction ou une autre le plus longtemps possible actif dans ce sport. Pour l’heure, je suis le seul candidat à ce poste à l’assemblée générale du 3 juin de cette année.