Servion – Quelques nouvelles du Zoo
La direction prépare sa transition tout en douceur
Michel Dentan | Depuis 37 ans, il œuvre pour le bien-être des animaux du Zoo de Servion puis, il y a 17 ans, en 2004, les circonstances de la vie l’appellent à en reprendre totalement la direction, avec son épouse Odette. Aujourd’hui, le cap des 63 ans franchis, Roland Bulliard a pris la sage décision, en bon patron d’une belle entreprise familiale, de préparer la relève, même s’il compte œuvrer et collaborer encore longtemps à la tête du parc animalier, afin que se perpétue sans accroc la bonne marche de ce magnifique endroit. Après mûres réflexions, il a opté pour une transition tout en douceur, en continuant à codiriger, et en passant peu à peu le témoin à ses deux filles Virginie et Céline, tout aussi passionnées et intéressées à relever cet imposant défi.
Un peu d’histoire
C’est en 1967 que l’ébauche d’un « Parc zoologique romand » avait vu le jour, à Servion, à l’emplacement actuel du zoo et sur la même superficie qu’il occupe aujourd’hui, sous l’impulsion d’un explorateur lausannois, Marcel Haubensack, sur un terrain appartenant à Robert Pasche, propriétaire et exploitant d’un domaine agricole dont les bâtiments jouxtaient le restaurant de La Croix Blanche, déjà existant, également propriété de la famille, et dont un certain Jean-Claude Pasche, allait devenir très connu sous le nom de Barnabé en créant puis en développant le fameux café-théâtre ! Mais la belle aventure ne dure guère et la faillite est déclarée une année après l’ouverture. Il revient à la commune de Servion la charge de prendre soin des divers animaux déjà hébergés dans le parc, en attendant de pouvoir les acheminer vers d’autres zoos. C’est ainsi que l’on pouvait trouver un zèbre ou un chameau chez des agriculteurs de la région, tandis que les deux lions trouvaient refuge dans… les écuries de la famille Pasche, sises à l’arrière du restaurant de la Croix Blanche !
Mais l’idée perdure et en 1970, ce sont trois frères, Charly, Gilbert et Max Bulliard, qui décident d’acquérir ce terrain pour relancer la construction d’un zoo. Cependant la réalisation n’est pas aussi simple que ne l’avaient imaginé les fondateurs : le terrain ne possède ni eau, ni électricité, ni écoulements et son enceinte n’est pas sécurisée. Roland Bulliard, alors encore enfant, se souvient : « A l’époque du parc projeté par Marcel Haubensack, le Service vétérinaire avait exigé que l’eau courante soit disponible pour abreuver les animaux. Un robinet avait alors été posé sur le mur d’un petit bâtiment, d’ailleurs toujours existant, afin de satisfaire les exigences des autorités. Quelle ne fût pas la surprise de la famille fondatrice au moment de l’aménagement du zoo, de constater que le fameux robinet n’était relié à… rien et qu’il avait été simplement fixé dans le mur afin de donner l’illusion que l’approvisionnement en eau était présent ! » Cette anecdote démontre les nombreuses difficultés rencontrées et c’est ainsi qu’il a fallu quatre années de travaux pour que le rêve se réalise et que, en 1974, le zoo ouvre ses portes sur le terrain de 6 hectares qui accueille aujourd’hui quelques 60 espèces d’animaux. Roland Bulliard se souvient avoir visité le premier zoo en 1967 et avoir beaucoup aimé. Il avait même créé de toutes pièces un petit jouet, modèle réduit d’un zoo, avec ses animaux et leurs enclos. Même si la vie du zoo le tente, il décide de faire un apprentissage de carrossier, puis ouvre sa propre entreprise. Mais l’amour des animaux, à l’instar de ses oncles et de son père Max, le rattrape. Il rejoint le Zoo en 1984 puis convainc son épouse Odette qui vient renforcer l’équipe quelques années plus tard. A cette époque, l’un de ses oncles, Gilbert, avait quitté la direction, tandis que la fille de Charly, Jacqueline, s’était jointe au team et avait la responsabilité de toute la partie administrative ainsi que du restaurant. Le parc comptait déjà notamment, outre divers animaux domestiques, des lions, des loups, des ours, des lynx. Ce n’est qu’en 1981 qu’ont été accueillis ceux qui représentent l’emblème du Zoo : les tigres dont l’image de la superbe tête constitue depuis toujours l’emblème du parc. Cet animal est également l’espèce préférée de Roland et Odette Bulliard qui l’apprécient pour sa beauté et pour sa puissance. Mais les aléas de la vie sont malheureusement au rendez-vous et en 2004, Jacqueline décède subitement à l’âge de 45 ans. A la même période, son père Charly était hospitalisé et sa santé s’était fortement dégradée. C’est à cette époque que Roland Bulliard a dû, avec son épouse Odette, du jour au lendemain, prendre les commandes de toute l’entreprise, lui qui était plutôt spécialisé dans le secteur animalier. Une transition très compliquée qu’il ne souhaite pas devoir faire revivre à ses successeurs, C’est aussi l’une des raisons qui l’incitent maintenant à organiser l’avenir de manière sereine et bien réfléchie en intégrant à la gestion ses deux filles avec lesquelles il maintiendra une efficace codirection durant quelques années encore.
Des parcours divergents mais toujours un profond attachement au Zoo
A l’origine, c’était le fils cadet de la famille, Cédric qui, après un apprentissage réussi de mécanicien sur automobiles, devait et avait l’envie de suivre les traces de son papa. Mais cette fois encore, le sort en avait décidé autrement et le projet n’avait pu se réaliser à la suite du décès de Cédric à l’âge de 20 ans, en 2011. Dans ses réflexions, Roland Bulliard ne souhaitait en aucun cas imposer cette succession et cette lourde tâche à ses filles, même si toutes deux sont restées très attachées à l’endroit qu’elles ont découvert et apprécié depuis leur enfance. Pour l’aînée, Virginie, infirmière de formation, toujours passionnée par son métier et, comme elle le dit elle-même « infirmière dans l’âme », le choix n’était pas simple. Mais le décès de son frère, l’envie d’apporter sa contribution à tout ce que ses grands-parents et ses parents avaient fondé et avaient fait évoluer, ont constitué les éléments les plus décisifs. C’est ainsi qu’en 2017, après 10 années de travail comme infirmière, elle rejoint ses parents. Avec sa sœur Céline, les deux filles ont la responsabilité de l’administration – le Zoo occupe plus d’une trentaine de personnes, certaines à temps partiel –, de la gestion du restaurant, de la communication, du site internet, des réseaux sociaux, déchargeant leur papa qui peut ainsi mieux se consacrer au secteur des animaux et aux importants travaux d’agrandissement du Zoo. Le parcours de Céline est différent mais son attachement à ce lieu où elle venait régulièrement renforcer l’équipe durant les week-ends et les vacances, est le même. En 2020, après avoir terminé des études de droit, l’envie de continuer à participer à la vie du zoo était toujours en elle, la décidant à rejoindre le reste de la famille et en s’engageant totalement dans cette tâche. On le voit, la pérennité du parc animalier est donc assurée. Mentionnons qu’il fait partie de l’Association européenne des zoos, contribuant ainsi à sauver des espèces menacées, dont certaines n’existeraient plus sans cela, et jouant également un important rôle didactique, plus que nécessaire de nos jours.