Revendications paysannes : « on marche sur la tête ! »
L’exaspération et la colère paysannes qui ont embrasé nombre de pays européens n’épargnent ni la Suisse, ni notre région, même si elles ne s’expriment ici que de façon symbolique, et infiniment moins « musclées ». Suivant un appel concerté sur les réseaux sociaux, les paysans suisses mécontents ont mis à l’envers de nombreux panneaux signalétiques à l’entrée des villages, comme en témoignent les photos qui illustrent cet article.
Cette action pacifique s’inspire du slogan des paysans français qui estiment que l’ « on marche sur la tête » en termes de politiques agricoles. Des slogans tels que « notre fin sera votre faim » ont également été affichées dans quelques champs, à proximité des routes, un peu partout dans le pays. L’Union suisse des paysans (USP) exige une simplification des contraintes administratives mais surtout une amélioration du revenu du monde paysans, pour une vie plus digne.
Interrogé dans l’émission Forum de la RTS, Francis Egger, vice-président de l’USP a déclaré : « On est effectivement tombé sur la tête. Pour donner un exemple, on vient de recevoir le paquet d’ordonnances concernant les affaires agricoles. Il y a 17 ordonnances qui ont été corrigées, soit plus de 120 pages de textes contraignants. C’est chaque année la même chose. Il faut dire « ça suffit », il faut une simplification ».
Certes, les paysans touchent des paiements directs, mais ils ne sont pas suffisants. Ils représentent un montant de 2,8 milliards par année alors que le chiffre d’affaires annuel de l’agriculture est de 13 milliards. De plus, cette rétribution n’a pas été réévaluée depuis à peu près dix ans, malgré l’augmentation des coûts et l’inflation.
Selon l’Office fédéral de la statistique (OFS), le nombre d’exploitations agricoles suisses est en constant recul. En 2022, on comptait 48’344 exploitations agricoles. Entre 2021 et 2022 l’évolution structurelle a été de -1 %, soit une baisse de 520 exploitations au cours de cette période, ce qui correspond à 10 exploitations par semaine.
Les chiffres cachent aussi de profonds drames humains. Le risque de suicide est 37 % plus élevé chez les paysans que dans le reste de la population, révèle une récente étude de l’Université de Berne. A défaut de chiffres plus récents, on sait qu’au total, 447 paysans se sont donné la mort en Suisse, entre 1991 et 2014, en raison de la « pression financière ».
L’action qui consiste à retourner les panneaux communaux, à défaut d’être autorisée, semble pour le moment bien tolérée. Il est vrai qu’elle ne menace en rien la sécurité routière. Tout au plus est-elle de nature à désorienter quelques touristes de passage.