Rester neutre
Depuis mars 2021, la neutralité permanente suisse a du plomb dans l’aile. L’obligation de se positionner pour les sanctions face à la Russie a mis la Confédération dans une situation inconfortable. Le président Cassis s’en est tiré par une pirouette rhétorique en mentionnant une neutralité coopérative au lieu d’une neutralité perpétuelle, telle qu’adoptée au congrès de Vienne de 1815. La suite des événements a encore un peu plus gondolé la surface pourtant si lisse du pays des bons offices, négociateur de traités de paix… mais aussi vendeur d’armes.
En vendant des munitions suisses à l’Allemagne sans leur donner l’autorisation de les mettre à disposition de la belligérante Ukraine, la Confédération a instillé le ver dans le fruit. C’est maintenant le premier ministre Olaf Scholz qui interdit à la Pologne de livrer à l’Ukraine ses chars Léopards, pourtant déjà payés par ce pays et bien d’autres. Plus de 2000 modèles de ce char sont disséminés au long de la frontière russe, bloqués par des lois bienveillantes d’un autre temps.
Ainsi la peur est revenue en Europe, celle d’être qualifiée par l’ogre de Moscou d’Etat « hostile » et ainsi de devenir une cible ouverte et affirmée. Comme si le maître du Kremlin avait réellement besoin d’une raison pour se faire des ennemis…
Peu de pays européens gardent le courage de regarder l’ours dans les yeux en envoyant du matériel de guerre lourd. La Pologne semble être de ceux-là, si l’on en croit la déclaration que la ministre allemande des affaires étrangères Annalena Baerbock a faite dimanche 22 janvier à Darius Rochebin sur LCi : l’Allemagne ne ferait pas obstacle à l’envoi de chars Léopards par un pays tiers vers l’Ukraine.
Ces décisions ne sont finalement qu’affaire de langage, de non-dits… et de discrétion.
La minutie des ingénieurs suisses est légendaire, ces affaires internationales aussi. En tant de guerre comme en tant de paix, les usines Oerlikon Bührle, Ruag ou Pilatus ont volé sous les radars, il est juste très dommage qu’un tsarévitch jette maladroitement un peu de lumière sur ce qui a contribué à la richesse de notre si beau coin de paradis…