Pour le pêcheur, une rivière se lit comme un journal
La Suisse est un pays très riche en ruisseaux, rivières et petits lacs, raison pour laquelle la Confédération – comme d’ailleurs les cantons – veille jalousement à la sauvegarde des meilleures conditions d’existence du poisson.
Gérard Bourquenoud | Et pour que la nature soit respectée par chacun, une loi dicte les bases d’une réglementation en vigueur dans les cantons, alors que l’inspectorat fédéral de la pêche exerce une surveillance quasi générale. C’est de manière sans cesse croissante que la pêche devient une occupation essentielle dans les loisirs d’une couche toujours plus large de la population. Il y a dans notre pays des centaines de pêcheurs professionnels qui exercent leur activité en particulier dans les lacs, tandis que le nombre de ceux qui s’adonnent aux joies de la pêche à la ligne dite sportive, n’est pas connu de manière sûre, mais doit semble-t-il s’élever à quelques centaines de milliers en Suisse, dont la plupart d’entre eux font partie de sociétés et associations cantonales et régionales. Les cours d’eau de notre pays sont relativement propres et riches en poissons, ce qui suscitent non seulement l’intérêt des pêcheurs autochtones, mais attirent aussi un grand nombre de touristes. Cela nous paraît être une raison suffisante pour protéger les eaux d’une manière intensive contre la pollution et, par voie de conséquence, de contribuer au maintien d’une bonne et saine faune aquatique. Ainsi la richesse en poissons de nos cours d’eau et de nos lacs pourra-t-elle être sauvegardée ? Pour ce qui est de la pratique de la pêche dans les cours d’eau, nous savons que la plupart des pêcheurs ont du regard, mais que seulement les meilleurs possèdent l’œil ; c’est sûrement cette qualité rare qui procure un talent exceptionnel. Le complément d’une bonne technique fait tout le reste. Or, chose rassurante, l’œil peut s’éduquer, parfois rapidement ; il suffit d’apprendre à bien regarder. Le moucheur avisé doit agir avec une sage lenteur et prendre du recul par rapport à la berge, ceci pour ne pas effrayer le poisson. Là, bien protéger par un écran de végétation dense, derrière un arbre ou un rocher, il observe attentivement la configuration géographique de la rivière, le sens et la force du courant, la profondeur apparente, les obstacles, etc. Disons qu’une rivière se lit «comme un journal», avec des gros titres, des encadrés, des articles «attrape-l’oeil» et des nouvelles brèves – souvent de grandes valeurs informatives – imprimées en petits caractères et qu’il faut découvrir dans les recoins des pages. Lorsque le regard a bien analysé le cours d’eau, il ne reste plus qu’à localiser et identifier les poissons en activité. Cela ne signifie nullement que le poisson est facile à prendre. C’est une grande expérience de la pêche en rivière qui permet de «décoder» avec précision l’origine du minuscule furtif remous survenu au ras d’un rocher, affleurant en pleine coulée. Le gobage surgit en une fraction de seconde. L’eau brille, se déforme et jaillit par la réaction d’une truite qui fonce sur la mouche en surface invisible pour les uns, un signe furtif et révélateur pour d’autres.
Certains pêcheurs avertis peuvent, à plus de vingt mètres, détecter un gobage dans une zone torrentueuse formée de courants qui s’entrechoquent. La leçon est toujours profitable et peut améliorer la technique du pêcheur, même l’éducation de l’œil n’est pas toujours une partie de plaisir, car elle requiert de la volonté, de la patience et une perte de temps non négligeable. En ce qui concerne les amorces, il existe à ce jour toute une panoplie d’instruments dont le plus courant est la canne à pêche. Face aux difficultés de la pêche que nous connaissons actuellement, particulièrement avec la raréfaction des gobages nets, l’œil est devenu l’instrument capital de la réusssite. Nous comprenons aussi bien la raison pour laquelle bon nombre de champions n’hésitent pas à pêcher en équipe de deux, voire trois, afin de travailler mutuellement leur vision sur la surface et dans l’eau. L’ouverture de la pêche tant attendue a lieu chaque année au mois de mars ou avril selon les cantons. Des milliers de jeunes et moins jeunes vont parcourir les cours d’eau et flirter avec les truites ou autres poissons comestibles qui, dans l’assiette, vont régaler le palais de tout un chacun.