Portrait de nos artisans
Anthony Guyot, l’encadreur du Jorat
Thomas Cramatte | A l’Est des terres du Jorat, un artisan exerce une pratique méconnue du grand public. Dans son petit atelier situé à deux pas du Théâtre du Jorat, Anthony Guyot accomplit le métier de doreur – apprêteur depuis plus de 40 ans. Figure emblématique du village de Mézières, l’encadreur du Jorat façonne et rénove un nombre incalculable d’œuvres. Ce métier d’art est aujourd’hui en voie de disparition en Suisse romande, pourtant, il offre une multitude de perspectives créatives et la satisfaction que peut apporter un travail manuel.
Métier ancestral
L’encadreur est un artisan mettant en valeur des objets d’art de toutes sortes. Comprenant des œuvres principalement murales (peintures, dessins, photographies ou cartes anciennes), l’histoire de l’encadrement remonte à plus de 4000 ans. A l’époque, cet art consistait simplement à tracer un trait autour d’un dessin afin de le mettre en valeur. Cette première technique n’inclut pas encore l’installation de baguettes profilées ou de dorures complexes. Il faudra attendre l’antiquité avant de voir les premiers cadres plus élaborés. Les chercheurs ont trouvé des traces de cadres à baguettes datant de l’Egypte Romaine (1er siècle). Dès le deuxième siècle, c’est en Chine qu’apparaissent des encadrements faits de bandes de soie ou de papier. L’authentique travail d’encadrement débute au 12e siècle. C’est à partir de cette époque que débute la construction de cadres plus élaborés et il faudra attendre la Renaissance (14e – 17e siècle) pour que l’artisan encadreur se mette à travailler les baguettes en bois avec de la dorure et de la couleur. Les techniques d’assemblage deviennent alors plus complexes et l’encadrement rond fait ses premières apparitions. Evoluant au gré des époques et des mouvements picturaux, l’art de l’encadrement ne cesse de sublimer les œuvres. Au 20e siècle, l’Art contemporain et les matériaux modernes démocratisent le métier d’encadreur. Malgré les évolutions du métier, la technique de base reste la même et l’encadrement demande du temps et de la minutie.
Passion
Ce métier d’art a séduit Anthony Guyot depuis son enfance. « Lorsque je suis rentré pour la première fois dans un atelier de dorure, tous mes sens se sont mis en éveil. J’ai immédiatement su que j’en ferai mon métier », se remémore l’artisan avec émotion. Entre odeur de térébenthine et peinture, Anthony Guyot nous ouvre les portes de son atelier. L’Encadreur du Jorat, comme il est gentiment nommé, partage avec nous son engouement pour le monde artisanal. Interrompant son apprentissage de menuisier en 1978, Anthony Guyot réalise très jeune qu’il est important de faire ce que l’on aime dans la vie. « Mes parents ont toujours été sensibles à l’art, je ne me voyais pas faire un métier où la créativité n’a pas le premier rôle ». Certificat de capacité en poche, il s’en va parfaire ses connaissances pendant quatre années auprès de Rudolph Berger, professeur de dorure renommé situé à Berne. Une expérience incroyable qui a permis à Anthony de se perfectionner en histoire de l’art, restauration de peintures et, bien sûr, en création de cadres. Sa passion pour ce métier ne l’a jamais quitté. A son retour en 1986, Anthony Guyot ouvre son atelier de doreur – apprêteur à Mézières. Toujours en quête de challenges, il enseigne les cours pratiques aux apprentis du Centre professionnel de Vevey de 2007 à 2010. Afin de diversifier ses travaux, l’artisan entreprend également la restauration d’objets, de meubles ou de sculptures. « Encadrer une œuvre, c’est savoir la mettre en valeur. Mais le rôle d’un cadre doit également permettre de protéger les œuvres des dégradations liées au temps et à la lumière ». Pour l’artisan, le patrimoine de notre pays mérite d’être protégé et perpétué pour les générations futures.
Les goûts et les couleurs
Pour satisfaire les besoins de sa clientèle, l’Encadreur du Jorat a besoin de connaître leurs goûts esthétiques. « Le cadre doit correspondre au sujet, le ton et les ornements présents sur le passe-partout doivent apporter une touche artistique supplémentaire. Pour y arriver, j’ai besoin de connaître la personne et de discuter avec elle afin de cerner ses besoins et ses envies ». A l’heure actuelle, la concurrence des grandes surfaces de bricolage impacte le travail de l’encadreur. « Autrefois, je travaillais six jours sur sept, alors qu’aujourd’hui, je ne travaille plus qu’à 60% environ ». Les demandes de particuliers ont fortement diminué avec les formules de cadres toutes faites et bon marché des magasins de bricolages. Pour les artisans, il est impossible de concurrencer avec ces produits. Les techniques ancestrales de l’encadrement permettent cependant de se différencier en offrant des produits d’exception, tels que ceux proposés par Anthony Guyot lorsqu’il effectue des travaux de pose de la feuille d’or sur ses cadres.
Partage du métier
Membre de l’Association vaudoise des métiers d’art (AVMA), Anthony Guyot aime faire découvrir son métier au grand public lors d’expositions. L’AVMA permet aux artisans de générer des liens entre professionnels et d’apporter un soutien au sein des métiers d’art.
Source partie historique: encadreur.fr