Oron – Portrait de Joker, le cheval gagnant aux USA
A l’issue d’une compétition internationale, un cheval élevé à Palézieux-Village remporte le concours complet cinq étoiles de Elkton, dans le Maryland. Pour Jean-Louis Stauffer, responsable du haras du Devin, cette consécration est le fruit d’une grande sensibilité entre l’homme et l’animal.
Faisant la une de la presse spécialisée et des télévisions outre-Atlantique, un hongre né à Palézieux-Village a remporté l’une des sept épreuves les plus prestigieuses au monde. Le cheval et son cavalier néo-zélandais, Tim Price, sont les stars du concours complet cinq étoiles de Elkton, dans le Maryland : « A titre de comparaison, les Jeux olympiques sont catalogués quatre étoiles », nous apprend Jean-Louis Stauffer. Les étoiles, on ne les retrouve pas uniquement dans la dénomination des combinés sportifs, mais également dans les yeux du vétérinaire-ostéopathe : « C’est la consécration d’une vie et d’une relation avec l’animal ».
Entre prestige et danger
« C’est le cheval qui dicte sa loi, et non l’homme », lance Jean-Louis Stauffer en visionnant les photos prises lors de l’épreuve de saut. C’est que le niveau de ces triathlons équestres est exigeant. Qu’il s’agisse de Badminton ou de Burghley en Angleterre, de Luhmühlen en Allemagne, de Pau en France, d’Adelaide en Australie, du Kentucky three-day ou de Elkton aux USA, le protocole reste le même : « Les chevaux se présentent au jury pour l’étape du dressage le premier jour. Le lendemain, c’est le cross, et le troisième jour, c’est au tour du saut ». Considérée comme la discipline reine de l’équitation (c’est d’ailleurs la compétition fétiche de la famille royale britannique), l‘épreuve de sauts demande des efforts importants pour les équidés et le risque est bien réel : « Ce sont des sportifs d’élite, au même titre qu’un marathonien ».
Pour éviter au maximum les dangers, des contrôles vétérinaires sont régulièrement effectués : « Au matin du troisième jour, on vérifie l’état de santé des animaux et leur faculté de récupération. Si nous avions eu un doute ce jour-là chez Joker, nous l’aurions retiré de la compétition », confie Jean-Louis Stauffer. Du côté des cavaliers, le cross est la partie la plus intéressante. Avec ses 7,2 kilomètres et ses quinze obstacles naturels, cette épreuve de terrain constitue une attraction à elle seule. A l’arrière des compétions, la groom : « Ce sont elles qui s’occupent des chevaux ». Ces personnes sont chargées des déplacements des chevaux-athlètes entre leur lieu d’élevage, de compétition ou de résidence à l’étranger. « Le cheval est un animal très sensible à son environnement. A tel point qu’il lui faut des références. Les grooms jouent un rôle crucial dans le bien-être de l’animal. Sans oublier les relations qu’ils créent ensemble ».
Bien-être animal
Aujourd’hui, les mentalités ont évolué et nos connaissances sur les méthodes d’élevage se sont étoffées. Une approche différente, pratiquée par le responsable du haras du Devin. Ancien pilote de ligne chez Swissair, Jean-Louis Stauffer change de cap professionnel à 28 ans : « Je me suis retrouvé sur un lit d’hôpital à la suite d’un accident de delta plane. A ce moment-là, je me suis dit que si je remarchais, je deviendrai vétérinaire. J’avais besoin de me rapprocher des animaux ». Installé depuis 2011 à Palézieux, Jean-Louis Stauffer pratique une technique de dressage rythmée par l’animal : « Tout bon cavalier doit être en communion avec son cheval, c’est lui qui est prioritaire à l’entraînement, et pas le matériel ». En respectant la sensibilité animale depuis sa naissance, le vétérinaire-ostéopathe crée un lien d’affection fort avec ses chevaux : « Même s’il est placide dans sa manière de communiquer, nous devenons dépendants du cheval ».
Joker n’a jamais été en situation impossible, c’est-à-dire qu’il n’a jamais fait un refus d’obstacle. « Si nous avons respecté le physique et le mental de ce hongre, sa réussite internationale tient aussi dans sa génétique ». Pour l’ancien pilote de ligne reconverti en éleveur de chevaux, Joker pourrait en rester là. « Cependant, je souhaiterais qu’il prenne part aux Jeux olympiques de Paris l’année prochaine. Car il y a une symbolique avec son père, qui est lui français, tandis que sa mère, Tie-break, est de Palézieux ».
Si Joker est confié depuis deux ans à Tim Price et que cela en fait un cheval néo-zélandais stationné en Angleterre, il est probable qu’il retrouve les prairies et sa famille de Palézieux, avec ou sans médaille olympique.