On plante aujourd’hui la forêt de demain
D’où l’importance de préparer l’avenir avec des essences plus résilientes. Un défi intéressant au niveau biologique
Sur les abords du dépôt forestier de Carrouge, une forêt lilliputienne aux teintes automnales, constituées de plusieurs milliers de plants d’arbres en godets est en passe d’être replantée dans les futaies des trois triages, de la Haute-Broye, du Jorat et de Moudon, par les entreprises et les employés communaux, selon les directives des gardes du Groupement forestier de la Haute Broye.
Des essences mieux adaptées aux modifications du climat
« Jusqu’à présent, la politique était de peu replanter et de travailler en priorité avec la régénération naturelle, comme, l’épicéa dans le Jorat. Après un grand nombre d’abattages rendus nécessaires par la présence du bostryche, des trouées significatives sont apparues. De nombreuses zones ont été mises en lumière, risquant une invasion par la ronce, laissant la forêt en stand-by pour les cinquante années à venir jusqu’à ce que de nouvelles plantes arrivent à prendre le dessus. Afin d’apporter de la diversité, avec des essences plus résilientes face aux changements climatiques, quelques 9000 plants vont être repiqués » souligne Marc Rod. Sur les territoires du triage de la Haute Broye et de Servion, la priorité est donnée à l’érable plane, au chêne rouvre, au charme pour les feuillus et au mélèze ainsi qu’à l’épicéa amorika ou de Serbie, mieux adapté à la chaleur et à la sécheresse, pour les résineux. Du côté des domaines forestiers du triage du Jorat le choix s’est porté sur le charme, le tilleul, le chêne, le châtaignier, l’orme, le mélèze et le douglas. Sur Moudon ce sont le charme, le châtaignier, le mélèze et le douglas qui viendront remplir les trouées. Quelques essences plus rares, qui font également partie de la liste des plants subventionnés par le canton seront disséminées, telles que le pommier et le poirier sauvages, le noyer noir ou le cerisier de Ste-Lucie.
L’épicéa et le hêtre en souffrance de la chaleur et du manque d’eau
Nous vivons une situation particulière, dans les 10 dernières années, les pépinières recevaient de moins en moins de demande. En travaillant avec le naturel, nous sommes arrivés à des monocultures d’épicéas et de hêtres. Aujourd’hui, le premier souffre de la chaleur, et le second du manque d’eau. Nous avons basé les constructions sur l’épicéa. La société Fagus Suisse SA aux Breuleux (JU) développe des produits de constructions en hêtre. Cependant, nous assistons au dépérissement de ce peuplement, particulièrement dans le Jura où les cimes sèchent, engendrant un problème d’approvisionnement en raison aussi de son utilisation comme bois de feu pour laquelle la demande est montée en flèche ces derniers mois, saturant l’offre. « Le Plan climat accorde des subventions fédérales et cantonales pour modifier des peuplements de purs épicéas. Nous plantons cet automne des essences mélangées en fonction de leurs affinités. Par exemple, le chêne nécessite de la concurrence pour avoir un bois de qualité, sa plantation sera plus serrée alors que d’autres, comme le noyer a besoin de lumière pour croître. Plus la diversité est importante, moins le risque d’erreur sera grand en regard de l’évolution du climat. Il faut trois générations de forestiers pour constater qu’une essence est bien adaptée ou non. Nos successeurs pourront faire les choix qui s’imposeront dans le futur » explique le garde forestier assurant que la régénération naturelle demeure une ressource importante.
Face au changement de climat que nous vivons, nous pourrions ne pas intervenir et laisser faire la nature ce qui signifierait un éclaircissement voire une disparition des forêts dans certains endroits. Dans un siècle ou deux, apparaîtrait une forêt avec un nouvel aspect. Au niveau paysagé, voulons-nous voir une forêt dévastée ? D’où l’importance de préparer l’avenir avec des essences plus résilientes. Un défi intéressant au niveau biologique. L’être humain n’aura de choix que de s’adapter.