Neutralité armée
Nous n’en finissons pas de tourner en rond en Absurdie lorsqu’il s’agit des tribulations du petit canon suisse.
La vente record de 900 millions d’armes en 2020 a quelque peu faibli en 2021 avec 359 millions (seulement) au premier semestre 2021 selon l’ATS. L’exportation faiblit vers l’Europe ainsi que vers l’Asie, restent les Etats-Unis et l’Afrique qui maintiennent leurs marchés.
Dans les particularités cocasses, si j’ose ce terme lorsqu’on parle d’armes létales, se trouvent l’Arabie Saoudite qui n’envoie pas que des fleurs au Yémen, le Brésil et son amour des droits de l’Homme, et Israël qui, entre deux grillades, apprécie particulièrement ses promenades digestives et coloniales.
Or la loi suisse interdit l’exportation d’armement à des pays en conflit, et ces derniers doivent s’engager à ne pas les réexporter. Autant demander aux sociétés d’armement suisses de vendre des barbes-à-papa. L’hypocrisie et le cynisme atteignent des sommets lorsqu’on entend un parlementaire justifier la vente d’armes par le besoin de rentabilité de l’entreprise incriminée qui se doit de protéger ses emplois. Sait-on quels liens ce parlementaire entretient avec l’industrie, ou s’il a récemment voyagé avec le ministre des Affaires étrangères à la rencontre de quelque contrat juteux avec un oligarque ?…
L’autosuffisance en armement pourrait encore être compréhensible. En confier la production au secteur privé c’est se débarrasser de sa responsabilité et de l’Histoire qui colle aux usines d’armement suisses depuis la seconde guerre. C’est une amnésie assumée sur l’autel de l’argent sale.
Cyniquement. Si les usines d’armement suisses se devaient d’être vraiment rentables n’auraient-elles pas déjà confié la production à un pays où la main d’œuvre est moins chère… la Chine par exemple… ?
La cohérence voudrait que le pays des bons offices se débarrasse une fois pour toutes de ce double jeu. Le choix entre l’armement et la neutralité doit être acté, à défaut de trouver un nouveau terme. Celui de « Neutralité armée » inventé par Ignazio Cassis peut amuser un certain temps, mais gardons l’humour fédéral pour la journée des malades, s’il vous plaît.