Marge brute
Les lois du marché, encore elles. On apprend récemment que la Coop et la Migros font des marges de, respectivement 57 % et 46 % sur des produits agricoles, mais attention, ce sont des marges brutes renseignent rapidement les deux détaillants nationaux. Nous voilà donc rassurés et l’éditorial devrait donc s’arrêter là en prenant la forme d’une « brève ».
Mais il faut remonter un peu en arrière pour donner un peu de relief à cette information étonnante, à savoir que, les détaillants suisses sont eux aussi attirés par les marges bénéficiaires et que, eux aussi, sont soumis aux dividendes attendus par leurs actionnaires. Gottlieb Duttweiler ne serait-il donc plus ce philanthrope célébré et respecté, et la Coop ne serait pas une coopérative ! Quel scoop et quelle désillusion.
Le producteur et le consommateur main dans la main, dans un échange équilibré, « de la fourche à la fourchette » ne serait donc plus d’actualité. Pourtant n’a-t-il pas été crié sur tous les toits de consommer local en prônant le chemin le plus court de la production à la consommation ?
Sur le chemin de cette même désillusion, on trouve la nouvelle politique agricole (PA22+) soutenue par Johann Schneider-Ammann. L’ex-ministre de l’économie expliquait, en 2017, que les objectifs du programme étaient d’établir des connexions entre les marchés suisses et internationaux, le libre-échange devait s’instaurer à partir de 2022. Or, le conseil national, après le conseil des Etats, a décidé de suspendre l’examen de la PA22+. L’examen de ce programme ne sera repris qu’en 2023, et l’horizon de son entrée en vigueur repoussée à 2025…
On respire – en syncope, mais on respire encore.
Entre l’éthique et le libre-échange, entre la déontologie et l’ultra-libéralisme, il n’y a qu’un souffle qui ne pèse guère, mais qui permet de belles paroles. Alors avec le secret espoir de ne jamais devoir acheter du lait mexicain ou brésilien chez nos détaillants nationaux, je me permets de réitérer, encore une fois, ma confiance en un Parlement éclairé et capable de redonner un peu de fierté à ce monde de taux bruts.