Lutry – Un havre d’humanité au pays des singes
10 ans de l’UAT à la Fondation Mémise
Si l’on observe une maman singe bercer son petit dans ses bras, il est vraiment très difficile de penser que ces mammifères ne sont que de lointains cousins. On détecte au contraire dans son regard beaucoup de chaleur… humaine.
Texte et photos Didier Grobet | Eh bien, ce dernier vendredi, au royaume des singes – soit à Lutry dont chacun sait que les habitants sont communément appelés les singes – votre serviteur a ressenti cette puissante humanité en participant à la fête célébrant les 10 ans de l’UAT (Unité d’accueil temporaire) installée à la Fondation Mémise en bord de lac.
Dédiée aux enfants de six à dix-huit ans vivant avec un trouble du spectre autistique (TSA), cette petite structure les accueille là, et quand il faut prendre la relève de parents épuisés. Que ce soit en semaine (du mercredi 12h au jeudi matin), les week-ends ou durant les vacances scolaires, cinq chambres et un lieu de vie commun sont là pour donner à ces jeunes un cadre agréable et rassurant. Entourés par les éducateurs et l’équipe de l’Ecole de Mémise (pour ce qui est de la cuisine ou de la logistique par exemple), ils peuvent vivre leur sévère handicap avec une bienveillance constante leur permettant de gagner au fil des mois et des années en indépendance et en confiance, préparant ainsi leur avenir d’adulte.
Daniel Domeniconi, un des éducateurs rencontrés sur place, le dit en ces mots : « Ici, on est tous des passionnés. Nous connaissons très bien la vingtaine d’enfants qui viennent, très régulièrement pour certains d’entre eux. C’est nécessaire pour créer le climat de confiance indispensable à ces jeunes qui ont tous une perception différente de la réalité les entourant. Eviter la violence liée aux frustrations très fréquentes liées à leur handicap est un des enjeux mais de loin pas le seul. Tout commence avec la compréhension, parfois ardue, de leurs besoins puis la reconnaissance de ces derniers. Sans une grande affection pour chacun, ce serait impossible. »
Lors de son bref discours, le président de la Fondation Mémise, Me Pierre-Albert Vial, n’a rien dit d’autre, soulignant l’importance de pouvoir offrir un soutien entier aux jeunes confiés à la Fondation. La combinaison des compétences en interne mais aussi avec des partenaires, comme le CHUV, est essentielle.
Tristan Gratier, le président de l’AVOP (Association vaudoise des organisations privées pour personnes en difficulté) a rappelé que près de huit mille emplois sont dédiés dans le canton à l’encadrement des jeunes et des adultes en difficulté. Le chiffre peut paraître énorme mais quand on sait qu’il faut dans l’UAT visitée, un éducateur (en moyenne) par enfant pour que le travail fasse sens….
Présent, le conseiller d’Etat Frédéric Borloz avait un discours très professionnel en poche, mais il a préféré le donner au signataire au moment de s’exprimer à la tribune et a donc profité de sa liberté totale pour remercier chaleureusement tous les acteurs essentiels à l’objectif commun : amener ces jeunes à vivre au mieux de leurs capacités et de leurs émotions le présent et leur futur, confiants en eux et en l’autre. M. Borloz a insisté sur le travail primordial et considérable des parents qui ont bien droit de reprendre leur souffle de temps à autre en confiant leur enfant à l’un des cinq centres UAT du canton. Une spécialité et une fierté cantonale d’ailleurs.
Puisque j’ai la chance de pouvoir relire à l’instant le texte qu’il avait prévu de lire avant de me le remettre et qui porte la mention « seul le discours prononcé fait foi » (preuve sans doute que M. Borloz s’écarte parfois des textes préparés), je vois qu’il avait aussi prévu de parler d’école inclusive, de concept 360 ou de « dispositif de formation cantonal ». Le public composé de professionnels mais aussi de parents a certainement été heureux qu’il laisse parler plutôt son cœur. Là aussi, l’humanité était au rendez-vous.
En discutant, au moment de l’apéritif dînatoire avec le syndic du lieu, Charles Monod, il a été facile de ressentir la fierté de ce dernier d’avoir dans la commune une fondation aussi précieuse que la Fondation Mémise qui a fêté, il y a plusieurs années, ses cent ans au service de la jeunesse. Même si les Lutriens connaissent peu l’institution car son accès est réservé aux enfants dont s’occupe l’école, ils savent qu’à la sortie « côté Vevey » de la commune se trouve une institution de première importance.
Le directeur des lieux, Angelo Mancuso, avait tout lieu d’être satisfait de son équipe qui avait préparé pour les invités une exposition, un film, une visite de l’UAT et un cocktail dînatoire « de sorte ». Il était récompensé par les beaux mots laissés, entre autres, par son président et le conseiller d’Etat Frédéric Borloz dans son livre d’or.
Si on était « à la télé », l’image de fin serait réservée à un ancien municipal de Lutry qui a aussi œuvré comme président de la Fondation Mémise, Guy-Philippe Bolay. Aujourd’hui magistrat de la cour des comptes du canton, il a de par sa fonction toute liberté pour vérifier où va l’argent du contribuable. A voir son plaisir de participer aux dix ans de cet UAT dont il a été en son temps fervent défenseur, on comprend bien qu’il n’a aucun doute que là, à la Fondation Mémise, dans cet UAT, avec cette équipe de professionnels engagés, l’investissement consenti est à la bonne place.
Mais qui aurait envie de parler d’argent et de rendement dans ce monde… d’humanité ?