La petite histoire des mots
Palais
En visite d’Etat en France, la semaine dernière, le roi Charles III et son épouse Camilla ont notamment été reçus au palais de l’Elysée, siège de la présidence de la République française, au palais du Luxembourg, siège du Sénat français, ainsi qu’au château de Versailles, classé parmi les plus beaux palais du monde. Une fois son séjour achevé, le couple royal a regagné son palais de Buckingham, à Londres, lieu de résidence officiel des monarques britanniques.
Si les premiers palais, en Mésopotamie, en Egypte, en Crète minoenne, ou en Grèce, à l’époque mycénienne, étaient bien des résidences royales, ainsi que des centres religieux et d’échanges, les palais d’aujourd’hui peuvent être indifféremment le lieu de résidence d’un souverain ou d’un personnage important, le siège d’une institution publique, comme notre Palais fédéral, à Berne, et le Palais des Nations, à Genève, mais encore celui d’un centre culturel ou commercial, dans le cas du palais de Rumine, à Lausanne, ou de Palexpo (palais-expo), à Genève.
Le mot « palais » est issu d’un nom propre : celui du mont Palatin (Mons Palatium en latin) qui est l’une des sept collines de Rome. Le mont Palatin occupait une position centrale dans la cité antique, dominant le Forum Romain, au nord, et le Circus Maximus, le plus grand et plus ancien hippodrome de la ville, au sud. Selon la légende, cette colline doit son nom à celui d’une première cité, appelée Pallantium ou Pallantée, qui y aurait été bâtie vers le XIIIe siècle av. J-C par Evandre, un roi venu de Grèce. Ce souverain lui aurait donné le nom de sa cité d’origine, située en Arcadie, dans le Péloponnèse.
Mythe ou réalité, le fait est que cette histoire permettait de rattacher Rome à une généalogie non seulement étrusque et italique, mais aussi hellénique, soulignant ainsi les similitudes entre les Romains et les Grecs.
A partir du premier siècle de notre ère, les empereurs romains, à commencer par Auguste, prirent l’habitude de bâtir leurs luxueuses résidences sur le mont Palatin. C’est ainsi que le nom de la colline devint celui de toutes les demeures royales et princières. Le terme latin « palatum », pour « palais », fut repris par le grec byzantin, langue devenue majoritaire dans l’Empire romain d’Orient, puis adopté, sous diverses formes, par la quasi-totalité des langues du Vieux Continent. En français, il est attesté dès le XIe siècle. sous la graphie « paleis », pour désigner une demeure vaste et luxueuse.
Le français « paleis », emprunté par l’anglais, donna le mot « palace ». Aux Etats-Unis, en 1884, « palace » fut pour la première fois utilisé pour vanter le confort d’un grand établissement hôtelier. Quelques années plus tard, en 1998, « palace » revint en France avec l’ouverture de l’« Elysée Palace Hôtel », à Paris, premier des grands hôtels de voyageurs édifié sur les Champs-Elysées. De nos jours, ce bâtiment est le siège d’un groupe bancaire britannique cité, il y a quelques années, dans diverses affaires de blanchiment d’argent et de fraude fiscale.
Selon le journaliste et humoriste français Philippe Bouvard, « Les palaces consolent de ne pas avoir connu les palais ».