Lutry-Beyrouth Express en « Sky-cliste »
Découverte

Du Léman à la Méditerranée, du vignoble aux montagnes libanaises, Guy Wolfensberger a suivi sa route. A vélo, skis accrochés au cadre, il a relié Lutry à Beyrouth. Ce périple, baptisé Lubex pour Lutry – Beyrouth Express, a été projeté samedi dernier devant plus de 300 spectateurs à Lausanne, puis dimanche à la Tour de Marsens, à Puidoux, devant ses proches et amis.

Quand on connaît Guy Wolfensberger, on sait que le mot repos n’a jamais vraiment fait partie de son vocabulaire. L’ancien président du Conseil communal de Lutry (2022–2024) aime l’aventure, les paysages, la montagne et… les voyages à vélo ! L’hiver passé, il a rallié Beyrouth à la force des mollets, skis fixés au cadre de son cycle, pour aller randonner au Mont Liban. Il explique : « Après avoir découvert en 2008 les pentes de l’Atlas marocain, j’avais envie de skier ces improbables neiges du pourtour de la Méditerranée, tant qu’il en reste en ces temps de changements climatique. Alors je suis parti la chercher, à vélo ! »
A Festivélo (festival du voyage à vélo) à Lausanne, le public a découvert son périple de 4110 kilomètres à travers l’Italie, les Balkans, la Turquie et le Liban. Le lendemain, à Puidoux, l’ambiance était plus intime : une trentaine d’amis s’étaient réunis dimanche dernier pour revivre son aventure. Le ton restait simple, fidèle à l’esprit du voyage. Guy y évoquait ses 65 jours de route, ses 16 sorties à ski et sa traversée de 11 pays, ponctuées d’anecdotes racontées avec sa verve habituelle.
Route en pente douce et températures glaciales
Le film s’ouvre sur une image familière : Lutry. Le vélo prêt à partir, les skis sanglés au-dessus des sacoches ; le départ suit la rive du Léman avant de rejoindre les neiges de la plaine valaisanne, blanche en cette fin décembre 2024. Pour franchir les Alpes, Guy choisit le col du Simplon, seul passage routier ouvert en hiver et accessible en vélo. Son itinéraire emprunte l’ancienne route « …qui devient une piste de ski en hiver ! », explique-t-il. Sur l’écran, on voit son vélo à côté de skieurs qui descendent la pente.
L’Italie, il la traverse en six jours avant de rejoindre la Slovénie. « J’ai adoré ce passage. Les villages sont calmes, les gens curieux, et les tea-rooms toujours prêts à servir un chocolat chaud bien apprécié au vu des températures largement négatives ». Après l’ascension du Triglav, le plus haut sommet des Balkans, il file vers la Croatie. Malgré le vent tempétueux, il randonne sur les pentes de la station de ski de Platak, avec la mer Adriatique en toile de fond. « C’est un pays magnifique, où les gens sont accueillants et les verres de vin des restaurants bien remplis », rigole le Lutryen en lançant cette recommandation à la famille Duplan, responsable du domaine de la Tour de Marsens.
En Bosnie-Herzégovine, les traces de la guerre sont encore visibles : monuments aux morts, façades marquées et témoins du génocide à Sarajevo. « C’est un pays rude, mais magnifique. On y trouve encore des montagnes sauvages, des loups, des ours. Mais ça caille ». Dans ces vallées, les paysages enneigés, sont grandioses. Guy fait halte dans de petites auberges souvent vides à cette saison. Puis vient le Monténégro, montagneux et abrupt : « Les routes sont parfois si raides qu’il faut pousser le vélo à pied. »
Des Balkans à l’Anatolie, la route se durcit
Au Monténégro, il profite à nouveau pour chausser les skis, comme dans tous les pays traversés précédemment : « Ce n’est pas de la grande poudreuse, mais ça reste du bon ski ». Puis Guy poursuit vers le Kosovo et la Macédoine du Nord où « Les gens sont d’une gentillesse désarmante ». Il y découvre le cat skiing : un engin de damage remplace les télésièges et c’est freeride à la descente ! En Grèce, les routes sont plus clémentes, tout comme les températures : « Le ski n’est pas vraiment dans la culture du pays, mais j’ai croisé deux retraités bulgares qui randonnait comme moi et appréciaient les quelques centimètres de neige poudreuse tombés le jour d’avant. »
En Turquie, les petites routes prennent souvent des airs de pistes très peu praticables à vélo. Après une belle journée de ski sur le domaine d’Ulludag, au-dessus de la ville de Bursa où, de passage 25 ans plus tôt, « je m’y étais juré d’y revenir une fois pour skier », il s’offre un trajet en bus pour parcourir en une nuit ce qui lui aurait pris une semaine en vélo. L’objectif de ce léger détour est d’aller skier et randonner au pied du Mont Erciyes, un spectaculaire volcan de 3916 mètres. Dans les plaines d’Anatolie, situées à 1500 mètres d’altitude, tout est blanc et c’est splendide.
Habitué des voyages de ce genre, Guy dit que ce périple était relativement facile, même s’il garde une frustration à la frontière turco-syrienne : « Bien que j’ai arrangé un passage côté syrien, ce sera au final les douaniers turcs qui ne m’auront pas laissé sortir de leur pays ! ». Quatre jours de négociation à Killis n’y suffiront pas, les raisons sont militaires et Guy doit ainsi remonter au nord jusqu’à Gaziantep pour prendre un vol sur Istanbul puis un autre pour le Liban.

Le Liban, ultime étape
A son arrivée à Beyrouth, Guy retrouve Raja, l’ami d’un ami et guide de montagne. Ensemble, ils montent en peau de phoque vers les sommets du Mont Liban. « Il avait neigé vingt centimètres deux jours avant. C’était inespéré et splendide, avec ses églises et ses croix posées sur les sommets ». Les images montrent une neige claire, un ciel limpide et, au loin, la Méditerranée. Raja emmène Guy le lendemain pour une deuxième journée de randonnée, splendide à nouveau, avant de redescendre vers le bord de mer. « Le contraste est total : un matin dans la neige, l’après-midi au soleil, les pieds dans le sable ». Dans la région de Tripoli, il rend visite à des amis de Raja, puis poursuit son périple à travers la vallée de la Bekaa et a la chance de visiter l’incroyable site romain de Baalbek, joyau touristique désert en cette période troublée. Son périple traverse encore les vignobles avant de repasser un dernier col et retrouver Beyrouth, dans une atmosphère apaisée.
Son fidèle vélo, acheté d’occasion pour quelques centaines de francs, n’aura eu aucun souci durant tout ce voyage, pas même une crevaison : mais les derniers jours, ses plaquettes de frein sont usées jusqu’au métal ! « Je l’ai laissé aux bons soins de mon ami Raja… qui vient de m’annoncer qu’il fera à son tour le voyage du retour pour le ramener à son fils, étudiant à Paris ! C’est incroyable, l’aventure continue ! »
Une aventure qu’il résume simplement : « J’ai eu de la chance, tout s’est aligné. La trêve, la météo, les rencontres. Je ne sais pas si je referai un truc pareil, mais je sais que j’ai eu raison d’y aller. »



