L’heure de s’enivrer
La dramatique temporalité dans laquelle nous vivons nous apporte une fois de plus une triste nouvelle. La disparition d’un conteur impénitent, astrophysicien rêveur et vulgarisateur hors pair.
Le 13 octobre 2023, Hubert Reeves est retourné à la poussière… d’étoiles.
Rendre hommage à un disparu n’est généralement pas l’occasion de réjouissances, mais il y a exception lorsqu’il s’agit d’un tel esprit. Son héritage est somptueux, fondamentalement humble et nécessaire, et d’un optimisme délicieusement canaille. Doué d’une habileté à éclaircir les complexités d’un univers dont la seule dimension représente un défi à l’imagination, il est parvenu à rendre accessible aux simples mortels que nous sommes la notion d’infini, ou d’espace-temps, pour ne citer que ces deux exemples.
« Regarder loin, c’est regarder tôt ». L’une de ses formules limpides qui éclaire un concept pourtant complexe (Vous avez 4 heures).
Né en 1932 à Montréal, mort à Paris, il n’y a pas que la géographie qui a fait de lui un personnage universel. De l’infiniment grand à l’infiniment banal, il en a embrassé la globalité en la ramenant à la gestuelle quotidienne la plus simple. A son écoute, faire la poussière dans son appartement équivalait à côtoyer le Big Bang.
Non content de trainer ses neurones dans l’expansion inexorable d’un univers qui se refroidit, il aurait été tout aussi capable de comparer ça aux effets d’un baignade hivernale sur l’appareil génital masculin.
La chaine du vivant ou la biodiversité établie au rang d’hygiène de vie, sa prise de conscience globale (au sens premier du terme) l’a mené à 91 ans d’une vie, que finalement, il nous laisse. Nous sommes orphelins mais ses multiples interventions écrites et audibles sont autant de remèdes à l’anxiété générale.
Ne serait-ce QUE pour cela, je relirai « L’heure de s’enivrer », accompagné d’un vin choisi avec soin. Merci pour cet esprit !