Le roman d’Alice Bottarelli raconte une (més)entente familiale
Une authentique réussite, surtout pour un premier opus !

Pierre Jeanneret | La jeune auteure Alice Bottarelli vient de recevoir le Prix Georges-Nicole 2022, l’une des importantes distinctions littéraires qui couronnent une œuvre écrite en Suisse romande, pour son roman Les Quatre Sœurs Berger. Le livre commence par la rencontre d’Isabelle, Virginie, Dominique et Madeleine, après le décès de leur mère. Il s’agit de vider et de nettoyer le chalet familial et de se partager quelques biens et objets rappelant des souvenirs. Le récit pourrait se situer aux Diablerets… ou ailleurs. Le lieu n’est pas nommé, et cela n’a guère d’importance. Au début, tout paraît idyllique, et le lecteur peut même craindre une histoire un peu mièvre. Mais il découvre vite qu’il n’en est rien. Ce sont d’abord de menues divergences. Puis des tensions à propos du sort à réserver au « chenit » qui s’est accumulé et du partage des quelques biens. Au fur et au mesure que l’on avance dans le roman, la psychologie des protagonistes se dévoile. On croit véritablement en ces personnages bien campés. Le lecteur va découvrir aussi la face cachée de chacune des quatre sœurs, ses problèmes de santé ou de couple. En outre, des lettres trouvées par hasard révèlent des secrets de famille bien enfouis, notamment un adultère, que l’une des sœurs veut occulter, car il lui rappelle sa propre situation. Mais une petite catastrophe, qui ne fait cependant pas de victimes humaines, et que nous ne dévoilerons pas ici, va d’une certaine manière libérer les protagonistes de leur passé.
Car les sœurs Berger ont été élevées dans l’atmosphère d’un protestantisme assez étouffant, que l’auteure évoque avec un certain humour. Les pages sont en effet ponctuées de sentences moralisatrices du genre « Qui mange peu savoure mieux » ou « On n’a que ce qu’on mérite ». Par moments, le récit bascule aussi dans le fantastique, avec le rappel de souvenirs d’enfance liés à des animaux imaginaires et des « démons » à la Jérôme Bosch, bien choisi par l’éditeur pour illustrer la couverture du livre. La langue de l’auteure est élégante, parfois un peu précieuse, où derrière la romancière de talent on voit apparaître la chercheuse universitaire en littérature. Quant à son humour et à son sens de l’autodérision, il éclate dans la parodie de Profil d’une œuvre qui accompagne le livre. Rappelons qu’il s’agit d’une collection didactique à l’usage des étudiants et lycéens, qui leur permet parfois de ne pas lire l’œuvre elle-même… Ce que l’on ne fera en aucun cas avec ce roman, une authentique réussite, surtout pour un premier opus !
Alice Bottarelli, Les Quatre Sœurs Berger
Editions de L’Aire, 2022, 248 p.