Lavaux – Pinot en tête, vendanges en fête
Après de timides débuts marqués par de petites récoltes de spécialités ici et là, notamment pour les producteurs de mousseux, tout le monde est désormais en route. Pinot en tête, chasselas à suivre, gamaret dans la foulée… Lavaux déroule son calendrier des vendanges dans la joie et la bonne humeur.
A l’affût du flétrissement
Manon Hervé | A Epesses, les vendanges de pinot noir se sont déroulées il y a déjà dix jours, dès le 4 septembre, à la cave du Crêt-Dessous. Franco Bianco, vigneron pour la cave de Daniel Gay et fils, était l’un des premiers du coin à vendanger.
Déjà début septembre, le pinot affichait 100° au compteur Oechslé : pile l’objectif du vigneron qui vise un optimum entre 90 et 100° pour obtenir « un pinot fruité avec déjà suffisamment d’alcool ». Au Crêt-Dessous, Franco et son patron ont préféré ne pas attendre afin de ne pas courir le risque de voir les grains flétrir.
Le flétrissement des raisins est la conséquence des coups de soleil pris par les grappes pendant l’été : ce coup de chaud entraîne une perte d’eau dans les baies par transpiration. Cela a pour effet de réduire le volume et peut impacter les arômes ainsi que la couleur du vin, tout en concentrant les sucres.
Chez Daniel Gay, c’est une leçon qui a été tirée lors d’un millésime passé au cours duquel la récolte de raisins légèrement surmaturés a donné un pinot brunâtre aux arômes prononcés de fruits cuits.
Depuis, ils ont pris le parti de vendanger le plus tôt possible. En résulte un jus de pinot 2022 déjà bien coloré, après seulement quelques jours de macération en bacs, régulièrement pigé par Franco, le gondolier du Crêt.
La situation n’est pas la même sur la totalité de Lavaux : certains parchets ont été plus exposés au soleil que d’autres, par conséquent les raisins y sont plus sensibles au flétrissement, obligeant les vignerons concernés à faire preuve de réactivité. A Lutry, Daniel Bülhmann, vigneron pour la commune, confirme « tu décides d’une date, t’essayes de t’y tenir, et tout d’un coup, c’est le moment, il faut y aller ». Chez lui, la décision s’est prise à la dernière minute, Daniel a finalement avancé sa vendange de deux jours. Il a ainsi commencé avec ses pinots mardi passé, le 6 septembre, estimant qu’il était temps. Pour lui, « c’est toujours une balance » : les pinots du bas de Lutry étaient fin prêts tandis que le petit lot de pinots du haut de Savuit aurait pu patienter encore un peu, mais la logistique de la vendange impose ses limites. Résultat, les deux pinots récoltés aux mêmes dates s’équilibrent dans la cuve laissant le vigneron lutryen plutôt satisfait de ses rouges encavés en moyenne à 95° Oechsle. Une belle promesse de vins fruités.
Au tour du Chasselas
Les premières vendanges du roi de Lavaux ont commencé cette semaine.
Au sein de la confidentielle appellation de Calamin Grand Cru, la récolte de la cave Crêt-Dessous a lieu une dizaine de jours après les rouges d’Epesses, un intervalle plutôt long pour des parcelles relativement proches. « On n’a jamais eu autant d’écart entre pinot et chasselas que cette année » remarque Daniel Gay. Tout est une question de terroir et d’exposition.
Chez Cécile et Pascal Dance, à Aran, les vendanges ont débuté samedi passé et se sont enchaînées le dimanche et toute la semaine. Les équipes ont commencé avec les pinots, gamay et les spécialités, tel le doral, puis le calendrier s’est déroulé avec le chasselas en début de semaine. Pas de tri à faire, beaucoup de sucres en vue, et les rendements sont prometteurs. A Epesses, Franco Bianco confirme : « cette année, on en n’a ni trop, ni trop peu ».
Des quotas adaptés à l’euphorie générale
Les raisons d’être content ne manquent pas cette année au sein de la communauté vigneronne : le raisin est beau, il n’y a rien (ou si peu) à trier et les quotas ont été revus à la hausse, comme pour saluer cet heureux millésime.
Mesures fédérales prises dans le but de réguler la production, les quotas viticoles sont déterminés à l’échelle de chaque canton et peuvent différer d’une appellation à une autre, d’un cépage à une autre. Fondés sur la loi du marché et l’état des stocks, ils ont pour objectif de limiter la production et varient chaque année en fonction de la possibilité d’écoulement des produits.
Cette année, dans le canton de Vaud en général, les quotas ont légèrement augmenté. En Lavaux en particulier, ils sont passés de 1.00 à 1.15kg/m² de vigne pour la production de chasselas. Cette hausse, même légère, donne déjà de quoi se réjouir et participe à l’euphorie de la saison.
Chez Daniel Bülhmann, les vendanges « c’est une fête », parole de Lutryen. Le vigneron est entouré d’une petite équipe de copains qui l’accompagnent depuis de nombreuses années, toujours avec le sourire. Une bonne ambiance caractéristique des vendanges traditionnelles en Lavaux que l’on retrouve chez Pascal Dance où la joie du vigneron est communicative. Michel, retraité vendangeur pour les Dance, donne le ton de la saison « c’est que du bonheur ».
Un millésime idéal pour une reconversion bio
Vigneron en reconversion biologique depuis l’année dernière, Daniel Bülhmann est ravi des conditions de cette année. La fréquence des traitements, particulièrement soutenue l’année dernière, a été basse cette année, grâce à une météo chaude et sèche.
Sa reconversion a impliqué une bonne dose d’organisation et de longues réflexions quant à sa gestion de l’herbe et de ses sols, mais Daniel ne regrette pas son choix.
Le millésime 2022 lui donne raison avec
une année rêvée et encourageante pour débuter dans la viticulture bio.