Lavaux – L’heure des vendanges a sonné
Pour le calendrier vitivinicole, la fin de l’été rime avec le début des vendanges. Peu à peu, le vignoble s’organise et le temps de la récolte approche. L’occasion de prendre la température du millésime 2023.
Texte et photos Justine Brand | Avec l’été caniculaire que nous avons eu et l’évolution plus rapide de la maturation du raisin, la date de récolte a été avancée. Au Domaine Chaudet, on se fixait plutôt sur le début du mois d’octobre, finalement se sera plutôt le 26 septembre « cela chamboule un peu notre organisation, mais on va s’adapter ». Du côté d’Aran, c’est le raisin qui pilote à la Cave Mermetus et Vincent Chollet se « laisse guider par la matière. C’est le raisin qui nous dit quand c’est le moment ».
La date des vendanges est le sujet d’actualité de ces dernières semaines. « Si on se voit pour parler politique, on va parler des vendanges, c’est un partage de sensation ». Toutefois, Vincent insiste sur le fait que « chacun prend sa décision en fonction de sa sensibilité ». Même discours pour Titouan Briaux, « le canton nous donne chaque mardi la maturité du vignoble mais il n’y a pas de consultation entre les différents producteurs ». Petite particularité pour le Domaine situé dans le Dézaley : « la baronnie du Dézaley fixe la date à laquelle nous pouvons commencer les vendanges dans le Dézaley et cette année elle est fixée au 30 septembre 2023 ».
Même si la date est quelque peu avancée par rapport aux projections, ce millésime n’est pas considéré comme précoce par nos deux producteurs. Les deux s’entendent pour dire que le vignoble évolue depuis plusieurs années. Pour Titouan, la récolte à la mi-septembre devient même une régularité, « nos grands-parents voyaient les vendanges à ces dates-là une fois par décennie, nous c’est plutôt une année sur deux ». Même sentiment pour Vincent, « il n’y a pas d’urgence à vendanger, comme en 2006 où le raisin fondait ».
Changement climatique
L’évolution climatique pousse le vignoble à s’adapter. Le temps chaud et sec, avec en alternance quelques jours plus froids, a favorisé la maturité physiologique et la croissance en sucre. Résultat : tout a mûri en même temps.
A Rivaz, le changement climatique est surtout une question de vinification et de culture. En effet, « il y a des endroits bien plus secs qu’en Suisse où du raisin est cultivé ». Toutefois, il remarque l’évolution : « nos grands-parents étaient préoccupés par la grêle et le froid. Pour nous, c’est surtout la sécheresse qui est préoccupante ». Il s’agira de voir et d’apprendre comment le vignoble évolue avec la chaleur. Il faudra certainement s’intéresser à d’autres technologies en termes d’arrosage et de porte-greffe pour le Chasselas. En effet, « le domaine est encore très Chasselas et on voit que tout le vignoble est quasiment sur le même porte-greffe, peut-être qu’il faudra se poser des questions dans 10-15 ans ».
A Aran, il y a déjà eu un questionnement concernant le Chasselas. Le domaine cultive 30 % de Chasselas et 70 % de rouge. « Mon père a voulu diversifier l’encépagement du domaine par curiosité et finalement, on voit que les cépages choisis sont plus résistants ». Il remarque que « depuis 4-5 ans le changement climatique est plus marqué par la sécheresse » et ajoute qu’ « en mille ans de viticulture ça n’a jamais été catastrophique ».
Oïdium & mildiou – les indésirables se joignent à la fête
Autre sujet qui préoccupe le vignoble, les champignons qui peuvent gâcher les récoltes, comme ce fût le cas en 2021 avec le mildiou. Qu’en est-il pour cette année ?
En plus des Domaines Mermetus et Chaudet, nous sommes allés poser la question au Domaine expérimental de Pully. D’un avis général, le mildiou a été une surprise au printemps, mais il a bien été contrôlé par les producteurs. En revanche, l’oïdium a été plus virulent, pour l’Agroscope ce fût le pathogène le plus problématique, mais il a, lui aussi, été bien maîtrisé.
Pour le Domaine Mermetus, ces deux champignons ont pu être contrôlés grâce aux traitements avec un peu de souffre et du cuivre. « Ce n’est pas une année sans souci. On s’est fait du souci, on a eu des soucis… mais on a su réagir ».
Même sentiment à Rivaz. Une attaque surprise de mildiou au mois de mai, qui a été bien maîtrisée et surtout de l’oïdium sur les rouges, qui aura pour résultat de faire un peu plus de tri durant les vendanges. « Mais dans l’ensemble le vignoble est très sain ».
Millésime 2023
Une nouvelle fois, nos trois protagonistes sont du même avis sur la qualité de nouveau millésime : la récolte sera belle, mais il faudra trouver le bon équilibre entre sucre et acidité.
Au Domaine Mermetus, le taux de sucre élevé n’empêchera pas « cette fraîcheur apportée par le terroir et les vignes qui sont travaillées en bio ». A Aran, il travaille la matière assez mûre, il n’y aura donc pas de souci avec l’évolution des raisins.
Pour Pully, l’année sera très belle. Il y a eu moins de stress hydrique et les rendements seront élevés. Cependant, le challenge pour le domaine expérimental sera d’apporter suffisamment d’acidité et de contrebalancer la teneur en sucre. Hormis cela, l’état sanitaire est parfait, les grappes sont très belles et très mûres.
Même questionnement du côté de Titouan, la préoccupation pour le blanc est l’acidité. « On voit le changement dans le vin, il est plus riche, plus lourd et plus alcooleux. Le pH augmente et ce sont des facteurs à prendre en compte ». Pour référence, le pH de l’eau est à 7 et tout élément qui se trouve en dessous de 7 sera considéré comme acide. A savoir que pour un vin le pH idéal se situe entre 3 et 3.5 pH.
La joie de se retrouver
Ces prochaines vendanges s’annoncent très belles et Lavaux se prépare pour ce moment de fête, qui clôt une année de travail. Pour Vincent Chollet, il y aura de l’émulation entre joie et travail. « On a un noyau connu qui va bientôt nous rejoindre et une nouvelle personne. Comme on a 70 parcelles différentes, il est compliqué d’avoir chaque jour de nouvelles personnes ». Concernant l’ambiance, elle sera pour sûr familiale et tant au Domaine Mermetus qu’au Domaine Chaudet, on se réjouit des deux prochaines semaines et de ce nouveau millésime.