Lavaux – Les grandes caves ont ouvert leurs portes
Depuis une dizaine de jours, les grands pressoirs réceptionnent la vendange des vignerons locaux. Plongée dans les entrailles de ces maisons qui font vivre la viticulture de la région.
Texte et photos Manon Hervé | A Treytorrens, l’inauguration du pressoir de Testuz, avec le tout premier encavage effectué le 8 septembre dernier, n’est pas passée inaperçue. Il faut dire que ce n’était pas gagné d’avance: le timing de l’installation s’est révélé être un véritable challenge.
Si toutes les finitions ne sont pas encore faites, la cave est toutefois complètement fonctionnelle et a pu ouvrir ses portes pile à temps pour la réception de la vendange.
Deuxième pressoir de la société filiale du groupe Schenk (un premier existe déjà dans le Chablais), ce second lieu d’encavage remplace celui, un peu désuet, de Obrist à Vevey.
Les rénovations ont commencé début juin et le chantier a duré trois mois. Ce projet matérialise l’aboutissement d’une longue réflexion. La cave de Vevey aux installations vieillissantes se devait d’être modernisée. Or, Vevey n’était plus vraiment une option pertinente, trop proche de la ville et de ses habitants pour des travaux viticoles bruyants.
L’antique bâtisse de la famille Testuz, datée des années 80, creusée dans la roche, représentait le lieu idéal: à mi-chemin entre Villette et Vevey, (les régions de Lavaux couvertes par la société). Ce nouveau pressoir occupe une position centrale, au cœur du terroir, plus pratique et à la symbolique encore plus belle.
Le bâtiment traditionnel s’est vu transformé pour une plus grande ergonomie. L’objectif était clair: créer un lieu compact, fonctionnel, qui puisse permettre le processus le plus qualitatif qui soit. Deux tables de tri ont été installées à l’extérieur, non pas qu’elles soient essentielles cette année, mais mieux vaut prévenir que guérir. Cinq pressoirs flambants neufs s’alignent au milieu d’une construction éphémère de ponts de bois: les passerelles n’ont pas encore été livrées. A la veille de la vendange, « il a fallu improviser », sourit Léonard Pfister, le chef d’exploitation du domaine.
Pressurage pneumatique, écoulement des jus par gravité dans de nouvelles cuves rutilantes au sous-sol, recherche de respect de la matière première et de qualité… Adossée au géant Schenk, la maison Testuz se donne les moyens de ses ambitions.
Une logistique subtile
Chez Terres de Lavaux, les portes de la cave se sont ouvertes le lundi 12 septembre.
Dans cette cave à l’esprit familial, fondée en 1906, l’infrastructure authentique et l’unique pressoir imposent leur cadence. Le caviste des lieux, Eric Noverraz, y fêtera l’année prochaine son 40e anniversaire de bons et loyaux services.
La vingtaine de vignerons partenaires que compte la cave, en collaboration avec l’Union vinicole de Cully, défile tout au long de ces journées de récolte. Les vignerons fournissent la matière première, le raisin, que la cave transforme grâce au talent de l’œnologue Fabien Bernau: le vin ainsi obtenu est commercialisé sous le nom de Terres de Lavaux. Ce système coopératif trouve ses origines dans le siècle dernier à Lutry, lorsque divers producteurs de la zone ont mis leurs efforts et moyens financiers en commun pour
s’offrir un outil de production de qualité. L’équipe de direction en place aujourd’hui, sous la houlette de Cindy Freudenthaler, a pour objectif de perpétuer cette solidarité viticole.
Le planning de réception de la vendange est décidé en concertation avec les vignerons. Ce sont les divers cépages qui rythment la logistique quotidienne: une certaine plage horaire est dédiée à chacun. L’organisation est subtile: il faut à la fois conjuguer la réception de la récolte avec la disponibilité du pressoir et des cuves au
sous-sol, tout en coordonnant les vignerons entre eux.
Fournisseur principal de la cave, Pascal Grange s’adapte avec sourire à ce planning de réception de la vendange parfois contraignant. Il connaît bien les règles du jeu, son épouse Nicole Dentan-Grange, vice-présidente de Terres de Lavaux, a un pied dans la vigne, un pied dans l’administration de la cave. Le couple est une belle métaphore de la relation qui lie une cave et ses fournisseurs : pas simple tous les jours, mais trop heureux d’être ensemble.
Grandes caves, petits lots
A Cully, la maison des Frères Dubois souligne l’importance d’être capable d’offrir différentes qualités de vins: avoir une grande cave ne signifie pas ne pas pouvoir proposer de petites cuvées
singulières.
Dans la région, les Frères Dubois sont connus pour leur polyvalence : exploitants de 22 hectares de vignes qui représentent le cœur de leur activité, ils proposent également divers services à leurs partenaires, tels les travaux dans les vignes, l’encavage ou encore la mise en bouteille. Le travail à façon est plutôt insignifiant en termes économiques pour la cave, mais il est important pour cette famille ancrée dans son terroir.
Locataires de vignes depuis plus de 60 ans, la famille Dubois encave au total 40 hectares, soit une trentaine de tonnes de raisins par jour, pendant la plus haute période de récolte.
La salle de réception de la vendange du bâtiment de Cully, construit dans les années 80, est petite mais rationnelle. Le défi consiste à pouvoir recevoir en parallèle la récolte de différents vignerons qui se présentent souvent aux mêmes heures. La taille des lots détermine l’organisation.
Grâce à leurs trois pressoirs, les frères Dubois peuvent faire simultanément trois qualités de vins différentes.
Il ne faut cependant pas croire, que parce que l’infrastructure est importante et les cuves nombreuses, que la maison ne fait que de larges quantités sans prendre en considération le terroir d’origine. Comme le souligne Christian Dubois, « la difficulté chez nous est d’être capable de faire du tout petit et du très grand ».