L’autisme, ce mal invisible et sous financé
Ce mercredi 2 avril s’est tenue la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. Avec son initiative du Café des Parents à Pully, Sarah Otth cherche à soutenir les familles dont l’un ou plusieurs enfants ont été diagnostiqués.

C’est un enfant avec le visage serein, des pamires sur les oreilles. « Je ne suis ni DJ, ni chef de chantier », dit une légende. « Simplement autiste. » Cette image a fait le tour du canton à l’occasion de la journée internationale de l’autisme, le 2 avril dernier. Communes, écoles, infirmières scolaires, Haute École de Santé, hôpitaux, journaux, tous ont été contactés pour la publier, car cette année, Autisme Vaud a voulu frapper fort pour sensibiliser à l’autisme. « C’est un mal invisible et très mal connu », explique Sarah Otth, membre du comité. « Vous pouvez avoir une discussion avec une personne lambda et ne pas remarquer que cette personne a un autisme. Pour ces personnes, la vie en société est très compliquée. Elles ont des hypo- ou hyper sensibilités, un taux de fatigabilité très élevé, peut-être doivent-elles faire de gros efforts pour passer du temps en société ou dans une foule. »
Sarah Otth est membre du comité, mais également maman. Deux de ses quatre enfants ont été diagnostiqués. Sa voix, son regard, son sourire sont remplis d’émotions pendant qu’elle raconte le parcours qu’elle a dû traverser pour mettre un mot sur les difficultés de son fils, d’abord. « Déjà quand il était tout petit, on s’est aperçu de quelque chose de déroutant. Il ne dormait pas, il mangeait très mal, avait beaucoup de crises de colère, ne parlait pas, marchait sur la pointe des pieds, pouvait regarder une prise électrique pendant des heures. Bref, on ne savait pas vraiment vers qui se tourner, et il y a eu une très très longue errance médicale avant de pouvoir mettre le doigt sur l’autisme. Son pédiatre n’était pas formé, on a vu une logopédiste qui a fait un faux diagnostic. » La famille arrive alors à la consultation Libellule à Lausanne, qui accompagne les familles dans la pose de diagnostic. Et quand il est enfin tombé, tout le monde a poussé un grand soupir de soulagement. « De ne pas savoir, c’était très dur. De ne pas savoir si on faisait juste ou pas. Avec le diagnostic, on se sent mieux armé, et il a enfin pu avoir une bonne prise en charge. » Ergothérapeutes, psychomotriciens, psychologues, de nombreux outils sont à disposition des enfants ou adultes qui ont reçu un diagnostic. Mais actuellement il y a une moyenne de deux années d’attente pour obtenir un rendez-vous, par exemple chez une logopédiste. Un temps d’attente tout aussi long pour le diagnostic de sa fille trois ans plus âgée, qui présentait des symptômes complètement différents et est longtemps passée sous les radars.
Des parents qui restent dans l’ombre
Ces séances et rendez-vous à répétition prennent du temps et ont forcé Sarah Otth à arrêter de travailler pendant une dizaine d’années. Pour elle, si le suivi des enfants diagnostiqués avec un trouble du spectre autistique (TSA), les parents restent souvent dans le flou. « On m’a dit, votre fils est autiste, et ça s’est arrêté là. Il a eu une équipe fantastique qui lui faisait beaucoup de bien. Mais moi à la maison, je savais pas ce qu’il fallait que je fasse. Est-ce qu’il faut essayer d’arrêter une crise, ou la laisser passer, par exemple ? »
En Suisse, les chiffres officiels annoncent qu’un enfant sur 100 est autiste. Selon Sarah Otth, la réalité serait différente. « Nos chiffres ne sont pas tout à fait les mêmes. Il faudrait que la Confédération réactualise ses chiffres. On est plutôt autour de 2 à 3 naissances sur 100, d’après des études sorties ailleurs dans le monde et même avec le centre d’autisme à Genève ou au CHUV. C’est très élevé. Sans compter que toute une portion de la population ne va pas se faire dépister. On sait que chez les filles, surtout, l’autisme passe souvent sous le radar. » Certains spécialistes parlent même d’épidémie mondiale d’autisme. Et non, l’augmentation des dépistages ne contribue pas à l’augmentation des diagnostics. « On pourrait croire que les enseignants ou les pédiatres sont mieux formés, mais ce n’est pas du tout le cas, on en est encore loin. » Pour Sarah Otth, la raison est à trouver dans notre environnement : perturbateurs endocriniens, alimentation, phtalates. De nombreuses études sont en cours pour déterminer si cette théorie, qui a convaincu de nombreux parents à changer l’alimentation de leurs enfants, est avérée. « On s’est rendu compte qu’en supprimant le gluten, le lactose et le sucre, on arrivait à apaiser les enfants à avoir moins d’angoisses, moins d’excitabilité et on peut même se passer de médication. Mais c’est vraiment aux médecins d’encadrer ces mesures. »
Sensibiliser et mieux former
Tout au long de l’année, Autisme Suisse romande, dont fait partie Autisme Vaud, déploie des activités. Leurs objectifs principaux : former et informer. De nombreuses journées de formation sont proposées aux professionnels tout comme au grand public. L’idée est également de former toutes sortes de corps de métier, du dentiste au coiffeur, pour les sensibiliser au patient / client neuro divergent. L’association propose également un conseil juridique et des aides pour certaines démarches. Et depuis cinq ans, Sarah Otth accueille des parents d’enfants TSA lors du « Café des Parents » mensuel dans la région lausannoise. « On se met à leur service pendant deux heures, pour échanger, parler de certaines problématiques, ou les aiguiller vers les bonnes personnes. »
Mais c’est le sourire qui domine, voire le rire, quand on parle de son fils, et des qualités sans pareille qu’il possède, au-delà de son diagnostic, de certaines situations cocasses déclenchées par son langage sans filtre, et de tout le positif qu’il lui amène. Il n’empêche selon elle, le chemin est encore long pour une reconnaissance complète et inclusive des enfants TSA. « Je suis optimiste, donc je crois du fond du cœur que ça va s’arranger. Mais je suis aussi réaliste. L’autisme, ça n’intéresse pas les recherches parce qu’on ne pourra pas trouver un traitement. Le nerf de la guerre, c’est l’argent. S’il y en avait plus, on pourrait engager et former du personnel. Plus un enfant est dépisté tôt, plus on peut mettre des choses en place. Ce sont des enfants et des gens absolument merveilleux. »
Aujourd’hui, les enfants de Sarah Otth sont adolescents. Elle regrette que les parents d’enfants TSA ne soient pas mieux accompagnés.