Lausanne présente son projet de parc éolien
Jusqu’au 11 juillet, le dossier EolJorat Sud est à l’enquête publique. Après la séance aux allures de révolte à Froideville (voir édition du 20 juin), les promoteurs des huit éoliennes ont tablé sur la transparence à Vers-chez-les-Blanc. Pourtant, certaines communes comme Montpreveyres y feront opposition. Explications.
Lancé en 2007 avec treize éoliennes, le projet d’aujourd’hui a réduit la voilure. C’est que les contestations ont toujours accompagné ce parc éolien d’importance nationale. Privés, associations ou organisations pour la protection de la faune, l’énergie éolienne n’a pas forcément le vent en poupe au pays de l’hydraulique. Après le plan partiel d’affectation approuvé en 2015, il aura fallu sept années de procédure et de recours pour que le Tribunal fédéral donne son feu vert à EolJorat Sud. La version mise à l’enquête publique jusqu’au 11 juillet compte huit éoliennes d’environ 200 mètres de hauteur.
Des machines qui visent à sécuriser l’approvisionnement électrique hivernal en produisant 55 GWh par année, couvrant ainsi les besoins de 25’000 ménages. Pour les promoteurs, mixer les énergies renouvelables locales est essentiel. « Ce projet aura 18 ans l’année prochaine. Il est temps qu’il s’envole pour sa majorité », rigole Xavier Righetti, directeur de SI-REN, une société anonyme détenue à 100 % par la ville de Lausanne pour le développement des énergies renouvelables.
Atelier participatif
« Nous avons hésité entre une séance plénière ou un espace plus didactique. Nous avons opté pour ce dernier afin que tout le monde puisse poser ses questions librement, ce qui n’est pas toujours le cas dans un format plus officiel », explique Xavier Company, municipal en charge des services industriels (SIL) à la ville de Lausanne et président de SI-REN SA. Autour de lui, ce sont plus d’une dizaine de panneaux installés sur des trépieds qui détaillent le projet. Photos, schémas, plans, images 3D, tout y passe : « La mise à l’enquête est la dernière étape avant le début des travaux. EolJorat Sud est aujourd’hui assez connu. Ici, il ne s’agit pas de débattre si nous sommes pour ou contre le projet, mais bien de répondre aux craintes et aux interrogations ». Pour remplir cette mission, les visiteurs peuvent solliciter les porteurs du projet (une dizaine de personnes) durant les trois heures que comptent les deux expositions de Vers-chez-les-Blanc (19 et 24 juin). Xavier Company et Xavier Righetti nous accompagnent pour une visite guidée.
Choix des machines
E115 proche d’une route cantonale et E138 dans les terres, équivalent à 115 et 138 mètres de diamètre. A titre de comparaison, des éoliennes installées en Allemagne possèdent un diamètre de 170 mètres. Outre le diamètre du rotor, la taille des mâts doit correspondre à la situation géographique : « Pour EolJorat Sud, les mâts surplombent la cime des arbres pour maximiser la production et réduire l’impact sur les oiseaux, puisqu’ils ne volent pas régulièrement à cette hauteur », partage Xavier Company. « En discutant avec diverses organisations de protection des animaux, un calendrier d’arrêts des machines a été défini durant les périodes de migrations. »
Gestion sonore
« La manière de concevoir les éoliennes a évolué ces dernières années. L’optimisation des pales permet de réduire le bruit émis par la rotation des éoliennes », explique Xavier Righetti. « A 200 mètres, le son émis correspond à une conversation entre deux individus », ajoute son homonyme. En Suisse, la loi ne prévoit pas de distance minimale entre une machine et une habitation. C’est l’ordonnance sur la protection du bruit (OPB) qui fait foi. « L’entraînement direct de la génératrice par le rotor (éoliennes sans boîte de vitesses) réduit sensiblement le bruit mécanique. »
Effet stroboscopique
Lorsque les pales sont en mouvement, leurs ombres sont projetées plusieurs fois par minute au sol. Durant la période du solstice d’hiver, lorsque le soleil est au plus bas, ces ombres déportées peuvent s’inviter dans les habitations : « Une étude complète a été réalisée et l’emplacement des machines permet d’éviter ce phénomène », souligne le président de SI-REN. « Si, malgré tout, l’exposition maximale de 30 minutes par jour n’est pas respectée, nous avons planifié d’arrêter les éoliennes », rassure Xavier Company.
Sécurité routière et jet de glace
« En raison de leur proximité avec des routes cantonales, les éoliennes 5, 6 et 7 (voir plan) posséderont un diamètre de 115 mètres », détaille Xavier Righetti. Une des inquiétudes relevées par les opposants est le risque de voir des bris de glace expulsés sur les routes par le mouvement des éoliennes en hiver : « Les machines prévues sont toutes équipées d’un système chauffant de dégivrage. Des capteurs empêchent toute rotation des pales si elles ne sont pas complètement libres. »
Recyclage
La question de la récupération des matériaux une fois la fin de vie d’une machine (20-30 ans) est souvent critiquée. Une éolienne est composée à 90 % d’acier et de béton, 6 % de matériaux composites et environ 3 % d’aluminium et de cuivre. « Les pales construites en fibre peuvent être transformées en meubles ou en abris de bus par exemple. Le démantèlement des mâts et des socles sont des matières connues des entreprises de recyclage », détaille le municipal lausannois.
Oppositions
Tout un chacun peut contester ce projet de parc éolien. La procédure est la même que pour la construction d’une villa à côté de chez soi par exemple : « Nous nous attendons à recevoir beaucoup de documents venant de particuliers. Une ou deux oppositions communales ne sont pas exclues », avoue le municipal. Froideville n’avait pas caché sa volonté de s’opposer à ce projet lors de la séance du 13 juin. Elle invitait ses citoyens à suivre cette démarche en sensibilisant que l’impact sur le paysage ne sera pas recevable.
Pour l’unique commune de notre district, le discours était plus nuancé : « Nous allons voir les arguments de la ville de Lausanne avant de prendre position », expliquait Philippe Thévoz, syndic de Montpreveyres avant l’exposition. Contacté quelques jours après cette dernière, voici la position de sa Municipalité : « Comme elle l’avait déjà fait en décembre 2013 lors de la mise à l’enquête du Plan partiel d’affectation, la Municipalité s’oppose à l’éolienne de Praz d’Avaux (…), elle n’est qu’à 770 mètres des habitations de Montpreveyres ». Autres arguments avancés par l’exécutif, le revenu financier de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers de francs par année à la commune de Lausanne et bon nombre de nuisances à la commune de Montpreveyres sans aucune compensation financière.
L’avenir nous montrera si les communes possèdent toujours leur souveraineté dans ce type de dossier.
La Suisse à la traine
La Confédération souhaite mettre en service environ 800 éoliennes dans un avenir proche. Avec ses huit machines, le parc EolJorat Sud représente donc 1% des ambitions fédérales. En comparaison avec ses pays voisins, la Suisse est à la traine en matière de production d’électricité d’origine éolienne. L’Allemagne tient le haut du panier avec une part d’éolien de 34% de son mix énergétique.
La France et l’Italie se partagent la troisième place avec 11% derrière l’Autriche avec 14%. La part de l’éolien dans le mix énergétique helvétique se monte à 0.3%. En termes de consommation énergétique, l’Union européenne est le troisième
plus gros consommateur au monde avec 9.6% contre 15.9%
pour les Etats-Unis et 26.4% pour la Chine.