La petite histoire des mots
Pourboire

Moins d’argent, moins de pourboire » : Selon une étude bancaire publiée la semaine dernière, alors qu’ils souffrent de l’inflation, les Suisses sont de plus en plus réticents à accorder une généreuse gratification, au moment de payer l’addition dans les cafés et les restaurants. Ces établissements restent cependant l’endroit où les Suisses donnent le plus, le pourboire moyen y étant de 9 francs pour une addition de 200 francs, alors que chez le coiffeur, il ne s’élève plus qu’à 5,5 francs pour un service du même montant.
La tradition du pourboire est sans doute apparue dès le XVe siècle en Angleterre où les seigneurs donnaient un petit extra à leurs domestiques pour leur témoigner leur satisfaction. A l’époque, cette gratification était appelée « vails » ; un terme sans doute issu du latin « valeo », qui signifie « valoir », pour dire qu’un travail bien fait « valait » bien un petit plus.
Deux siècles plus tard, cette habitude se répandit dans les auberges du royaume où un pot métallique fut posé sur le comptoir à l’intention des clients pressés qui pouvaient y jeter une pièce de monnaie. Le tintement de la monnaie dans le pot attirait l’attention de l’aubergiste qui faisait ainsi passer ce client avant les autres. De nos jours, en anglais, un pourboire de dit « Tip ». On raconte que l’inscription « To insure promptness » (TIP), qui signifie « pour assurer la rapidité », était inscrite sur ces pots. Cette explication est sans doute un mythe. « Tip » viendrait plutôt du latin « stips », qui signifie « obole » ou encore de « Tip me » qui en vieil anglais, veut dire « donne-moi ».
L’habitude d’offrir une gratification passa assez vite de l’Angleterre en France où la petite somme offerte aux domestiques devait leur permettre de « boire un coup », à la santé de leur maître. Ce petit extra était appelé « vin du valet », « vin du messager », « gracieux vin », ou encore « vin courtois ». Toutes ces expressions désignaient la même action, qui consiste à offrir à boire à un individu de classe inférieure.
Ces expressions furent pour la première fois remplacée par « Pour boire » dans la comédie de Molière L’école des femmes, présentée en 1662 au théâtre du Palais-Royal où elle connut un immense succès. Le mot prit sa forme définitive « pourboire » au XIXe siècle, lorsque les clients des bistrots prirent l’habitude d’arrondir le montant de leur addition ou de laisser une gratification pour compléter les salaires souvent modestes des professionnels de la restauration.
En Suisse, depuis 1974, le pourboire (service inclus) est compté dans le prix des consommations. Chaque client est cependant libre de donner un extra. Dans ce cas, il décide lui-même le montant du pourboire, ainsi que la personne à qui il est destiné. Mais comme le souligne si bien l’écrivain canadien Gérard Bessette, « Le client a toujours raison, aussi longtemps qu’il paie et donne des pourboires ».